EnvironnementSolidarité

Par Zoé Charef, le 2 septembre 2024

Journaliste

Maison des Objets : le troc mieux que la benne

Au centre de la déchèterie, la Maison des Objets permet le réemploi d'objets du quotidien. ©CCVK

Au cœur de la vallée de Kaysersberg, dans le Haut-Rhin, la Maison des Objets offre une seconde vie à toutes sortes de choses dont les propriétaires veulent se débarrasser.. Plus qu’un simple espace de réemploi, c’est un lieu unique qui rassemble les générations autour d’une démarche économique, écologique et sociale. Repensons nos habitudes de consommation, donnons !

« On a dû mettre en place une règle avec les enfants : à chaque fois qu’ils choisissent un jouet, ils doivent en déposer un. Sinon on ne s’en sortirait pas !, raconte Libéra Flahaut, gérante du gîte Le Renard Perché au Bonhomme, commune de moyenne montagne dans le Haut-Rhin. Arthur, mon grand, me tanne régulièrement pour qu’on aille à la Maison des Objets. De mon côté j’y récupère aussi des meubles, de la vaisselle… »

Intégrée au Tri Park, le centre de tri de la vallée de Kaysersberg, la Maison des Objets est consacrée au réemploi. Entre les dépôts et les récupérations, ustensiles, mobilier et matériaux échappent à la benne et ont droit à une nouvelle vie. Responsable de cette zone de réemploi qui existe depuis un an et demi, Frédérique Jacquot représente cette « volonté politique » des élus du territoire de la vallée de « mettre en place un espace central pour ces objets et y associer les citoyens. » 

Créer un espace de réemploi dans une déchetterie 

Mais comment fonder et fixer cette volonté ? Et avec quelles règles et moyens ? Une charte claire a donc été pensée, qui permet aux employés de la déchetterie comme aux citoyens de réduire le volume de leurs déchets. « La volonté citoyenne était importante. Mais même au-delà de ça, c’est une façon de faire des économies sur le coût de traitement des déchets, ajoute Frédérique Jacquot. C’est tout bête, mais si on met moins de déchets dans les bennes, il y en aura moins à sortir, déplacer, trier, traiter et moins d’énergie à dépenser. »

Ainsi, en 2023, le Tri Park notait une baisse du niveau de tonnages de déchets d’objets collectés de 4,4% par rapport à 2022. « On était à 491 kg de déchets produits et collectés par habitant et par an. On a largement atteint les objectifs qui étaient fixés dans le plan local de réduction des déchets. C’est donc une réussite ! », se réjouit la responsable. Avant d’ajouter que si la zone de réemploi explique cette baisse, d’autres actions mineures y contribuent également. 

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À la maison des objets, il y a de tout ! ©CCVK

« Repensons nos façons d’acheter et de jeter »

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La charte de la Maison des Objets. © CCVK

Il s’agit de revoir nos habitudes d’acheter, de jeter alors que les matériaux et objets du quotidien, par exemple, peuvent encore être utiles. Et la responsable de la zone de réemploi est là pour guider les habitants de la vallée de Kaysersberg. Car pour avoir accès à ce service public, il faut résider sur son territoire, comme pour une déchetterie classique. 

« Ensuite, on accepte tous les objets. Enfin presque, précise Frédérique Jacquot. Car ils doivent être en bon état et réutilisables. S’ils sont poussiéreux, ce n’est pas dramatique, mais je ne garderai pas de vaisselle ébréchée ou un meuble très abîmé. Concernant ce qui est électrique et électronique, tout part dans la filière européenne des EEE et sera trié par l’association Envie. »

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© CCVK

Et lorsque les 400 m2 du local sont remplis, c’est Emmaüs (leur partenaire depuis quelques mois) qui récupère le surplus dans son propre conteneur de réemploi. Ce qui est refusé ? Les cassettes VHS, vêtements, chaussures et produits alimentaires.

Libéra Flahaut voit en la Maison des Objets une opportunité de taille pour les divers objets : « À partir du moment où on n’est pas dans la logique d’acheter quelque chose de neuf dès qu’on en a besoin, c’est très facile ! Il y a toujours des tonnes de vaisselle, de meubles, de matériel de bricolage. » Celle qui a récupéré des palettes en bois pour son poulailler trouve cette initiative « vraiment sympa… et même nécessaire. » 

Une initiative qui rassemble 

En addition aux aspects écologique et économique vertueux, la Maison des Objets recèle une portée sociale notoire. Pour la gérante de gîte, c’est devenu un lieu de rencontre. « On voit les gens des environs aux manifestations diverses, marchés et animations. Mais cette initiative permet aussi de rencontrer d’autres habitants. C’est un lieu de passage régulier et ça retisse du lien dans cette vallée étalée et montagnarde. »

Frédérique Jacquot confirme fièrement cela : « On touche toutes les générations et toutes les classes sociales ! » Mais elle regrette qu’une minorité d’usagers ne « joue pas le jeu » et fasse de la revente d’objets de la Maison. « C’est le risque de ce genre d’endroit. Mais nous avons cette solution en place pour rendre service, pas pour s’enrichir. Les jeunes adultes qui s’installent dans la vallée sont ravis, ils n’en ont rien à faire d’avoir de la vaisselle dépareillée, au contraire. » 

La Maison des Objets victime de son succès

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On estime à environ 130 objets adoptés par jour sur l’année 2023. ©CCVK

Avec une estimation à environ 130 objets adoptés par jour sur l’année 2023, la Maison des Objets ravit également les personnes âgées pour sa proximité. Un point très important pour la responsable des lieux. Dernièrement, la jeune maman Libéra Flahaut s’est rendue sur place pour déposer le casque et le vélo de son enfant, devenus trop petits. « Pratique, puisque nous savons que cela servira à un autre enfant de la vallée, résume-t-elle. Et doublement pratique parce que nous pouvons l’échanger avec un nouveau casque et un nouveau vélo à la bonne taille, avant de répéter l’expérience dans quelques mois ! »

Victime de son succès, la Maison des Objets se retrouve contrainte de chercher à agrandir ses locaux. Il lui faut aussi limiter les visites à 15 minutes pour ne pas saturer le Tri Park. Les vacances scolaires et week-ends prolongés notamment voient la fréquentation augmenter, « car les habitants prennent alors le temps de faire du tri ! » Finalement, vaisselle, meubles, livres, jouets, carrelage et objets de décoration en dépôt sont récupérés à 80%. ♦