Environnement
Mio Palmo fait vaisselle de tout verre
[je recycle, tu surcycles, ils valorisent – #5]
Si le plastique est omniprésent dans la nature, le verre n’est pas en reste, principalement sous forme de bouteilles. Dans son atelier de Peynier, près de Marseille, l’entreprise Mio Palmo les transforme en verres, tasses, carafes… Une collection de vaisselle pleine de ressource et de caractère.
On entend souvent parler de l’impact du plastique sur les milieux marins et terrestres, moins de celui du verre. Et pourtant ! Laissé à l’abandon, il met 4 000 ans à se décomposer, modifie les écosystèmes voire engendre une concentration plus élevée et potentiellement dangereuse de certains éléments – silice, bore, métaux lourds. S’il est moins répandu dans la nature que son homologue pas si fantastique, il représente tout de même 10% en moyenne du volume de déchets collectés lors des ramassages en mer et sur le littoral marseillais (lire bonus).
Face à cette catastrophe écologique, Nicolas Seulin a décidé d’agir. Plongeur scaphandrier de formation, il a un temps laissé de côté sa combi et ses palmes pour se former au surcyclage des bouteilles en verre. En l’occurence : leur transformation en nouveaux objets, vaisselle et décoration en l’occurrence. Un projet dans lequel il a embarqué, à l’été 2024, son ami d’enfance Simon Cristofano et Caroline Long, la sœur d’un copain. Ils l’ont baptisé « Mio Palmo », en référence à la réplique d’un film culte (bonus).

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Procédé artisanal

« On ne travaille qu’à froid, en utilisant la matière brute telle qu’on la récupère », explique Caroline Long. Le processus démarre par le nettoyage des bouteilles, à l’eau chaude et au vinaigre blanc. Puis place à l’huile de coude. « On enlève les étiquettes et la colle avec des grattoirs en cuivre. On ne dirait pas, mais ça prend un temps fou », sourit-elle. Une fois propres, c’est l’heure de la découpe à la disqueuse diamant. Le corps des bouteilles devient verre, tasse, carafe ou vase. Les goulots, des portes cure-dents – rien ne se perd tout se transforme.
Les nouveaux objets conservent la couleur initiale de leur verre (translucide, vert ou brun). « On ne peut pas les reteinter », indique celle qui, au sein du trio, occupe les tâches liées à la communication. Ce qui aurait pu se révéler un frein ne l’est finalement pas. « Beaucoup de demandes portent sur du verre teinté, plutôt brun », informe-t-elle. Ça tombe bien puisque la matière première principale de Mio Palmo vient de collectes de déchets organisées par des associations locales comme Mer Veille ou Clean My Calanques (notre reportage ici). Et les bouteilles ramassées dans la nature sont majoritairement des cadavres de bières au verre coloré.
L’entreprise s’approvisionne aussi auprès de domaines viticoles et de brasseries artisanales des alentours de ses deux ateliers, l’un situé à Marseille et l’autre à Peynier, à une trentaine de kilomètres au nord-est. « On n’achète pas la matière première », tient à souligner Caroline Long. L’équipe ne récupère que des bouteilles usagées, dans un souci de dépollution et de gestion d’un déchet. Un échange dont tout le monde ressort gagnant.
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Pour particuliers et professionnels

Les produits surcyclés de Mio Palmo passent par deux dernières étapes avant d’être proposés à la vente. Ils sont polis et façonnés, d’une part, afin d’enlever toutes les impuretés. Puis estampillés du nom de la marque via une gravure au laser. Ils sont disponibles à l’achat sur le site internet de l’entreprise et dans quatre points de vente physiques, dont la liste est vouée à bientôt s’étoffer (bonus).
L’équipe démarche également les professionnels, notamment les restaurants. Certains ont déjà posé sa vaisselle sur leurs tables, comme le Relais 50, sur le Vieux-Port de Marseille, qui a craqué pour les carafes brunes. Une diversité des canaux de distribution essentielle pour assurer le bon développement de la jeune pousse. Ses trois fondateurs conservent d’ailleurs encore une activité parallèle, le temps que l’activité prenne pleinement son envol.
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Des idées dans les cartons

Partir de l’existant plutôt que d’une matière première neuve se révèle contraignant pour la production. Car certaines bouteilles présentent des caractéristiques techniques les empêchant d’être surcyclées pour la collection Mio Palmo. C’est le cas, par exemple, pour celles dont la forme est singulière ou le verre trop épais. D’où l’ambition du trio de se doter d’un four. « Quand on fait fondre le verre, on peut le retravailler à l’infini », explique Caroline Long. La matière serait coulée dans des moules spécialement conçus par un céramiste du coin, laissant en plus davantage de place à la créativité pour le design des modèles. « L’idée serait de s’en servir pour les bouteilles qu’on ne peut pas utiliser tel quel », précise l’associée, compte tenu de l’aspect énergivore d’un tel matériel.
Le four permettrait aussi de valoriser les actuelles brisures. Bien que l’équipe mette le plus grand soin à ne pas générer de gâchis, il y a parfois de la casse et des restes. Dans son souci d’être la plus vertueuse possible, elle a néanmoins déjà imaginé une solution à moindre impact pour réemployer ces fragments : les assembler en un revêtement type terrazo. Un produit en phase de test, qui pourrait prochainement grossir le catalogue de la jeune entreprise. Rien ne se perd tout se transforme on vous a dit ! ♦
Envie de vendre les produits MioPalmo dans votre boutique ou de créer un partenariat, contactez Caroline Long : c.long@miopalmo.com – 06 16 64 00 63
Bonus
# Où trouver les produits MioPalmo – Sur la boutique en ligne de la marque en cliquant ici. Dans les points de vente suivant : Chez Laurette, Super Boutique, la Butinerie à Marseille, Aix & Co à Aix-en-Provence, Terre de Rosé à Peynier.
# Un nom en référence à un film mythique – Sorti en 1988, coécrit et réalisé par Luc Besson. Fort de 132 minutes (voire 168 minutes pour sa version longue) et abyssal, j’ai cartonné en France attirant 9,2 millions de spectateurs dans les salles obscures. Je suis ? Le grand bleu. « On est tous les trois fans », glisse Caroline Long. Les mots « miopalmo » sont prononcés par Jean Reno, qui campe l’un des rôles principaux (Enzo Molinari), dans une scène culte selon nombre de ses amateurs (extrait à retrouver ici).
# Le verre, omniprésent dans les ramassages de déchet – C’est ce qu’il ressort des bilans de l’opération « Calanques propres » organisée depuis 2003en mer et sur le littoral de Marseille et de la Côte Bleue. Elle prend chaque année la forme de plusieurs opérations de ramassage planifiées le même jour. Le verre a pesé pour 10% du volume total de la collecte de 2024 (dernier bilan disponible à ce jour), une proportion stable par rapport aux années précédentes. Le plastique s’affiche comme le déchet le plus ramassé, en termes de volumes, suivi par le métal.
# D’autres entreprises surcyclent aussi le verre – On peut citer Q de bouteille, pionnière en la matière puisque le projet a été lancé en 2016. Elle dispose aujourd’hui de son atelier boutique au Touquet-Paris-Plage (Pas-de-Calais). Autre exemple plus à l’ouest de la France, à Nantes, avec Re Verre. Ici, les bouteilles usagées en verre deviennent carafes, bougies ou encore plaques de céramique.