Environnement

Par Zoé Charef, le 24 septembre 2024

Journaliste

Dans un coin du Haut-Rhin, la transition Pas à Pas

Les habitants de la vallée de la Weiss agissent pour leur avenir. ©Pas à Pas

Repenser l’avenir de la vallée alsacienne de la Weiss face aux enjeux climatiques : le collectif Pas à Pas s’y attelle depuis 2013. À travers de nombreuses initiatives locales telles que les AMAP, les pistes cyclables et les ateliers de réparation d’objets, il défend les mobilités douces, l’agriculture durable et les alternatives aux énergies fossiles.

C’est en lisant le « Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale » du chantre de la permaculture britannique, Rob Hopkins, qu’une poignée d’Alsaciens du Haut-Rhin décide de lancer son groupe de réflexion en 2013. À l’échelle locale, le mouvement initié par Rob Hopkins, baptisé Transition, « est d’abord un regroupement de personnes souhaitant réfléchir à l’avenir du territoire dans lequel elles vivent« », lit-on sur leur site internet. À l’échelle nationale, 150 initiatives Transition ont déjà vu le jour, pour environ 2 500 dans le monde. 

Repenser les énergies

Penser la transition en Alsace avec Pas à Pas 1
Atelier vélo lors de l’une des rencontres de Pas à Pas dans la vallée de la Weiss. ©Pas à Pas

Sous le nom de Pas à Pas, la branche alsacienne entend réduire sa dépendance aux énergies fossiles et nucléaires dans la vallée de la Weiss. Et « initier de nouveaux comportements face au dérèglement climatique », complète le retraité et très actif cofondateur Jacques Demangeat. 

« Dès le commencement, on parlait beaucoup du manque du pétrole à brève échéance, continue Jacques Demangeat. Notre combat porte donc sur la transition énergétique, mais aussi sur l’autonomie pour les biens de base et la nécessité de réduire la consommation des produits nécessitant des transports polluants. » Alors, les membres de ce groupe de réflexion cherchent des solutions. Et les transports modérés semblent justement être un axe important à développer dans leur région.

Pistes cyclables et covoiturage

Penser la transition en Alsace avec Pas à Pas 3
Atelier lactofermentation. ©Pas à Pas

« L’offre en pistes cyclables est vraiment déplorable dans les vallées, pointe Agnès Girardin, cofondatrice de mouvement alsacien. Dès que l’on quitte le vignoble et que l’on veut monter en altitude, il n’y a plus qu’un axe routier très fréquenté et très dangereux. » Malgré leur enthousiasme, les membres de Pas à Pas se heurtent à des freins institutionnels. « Cela faisait plus de dix ans qu’on réclamait des pistes cyclables et que ça n’avançait pas. » Mais la communauté de commune de la vallée de la Weiss semble avoir entendu leurs réclamations. « On attend de voir », s’accordent à dire les deux retraités qui ont organisé maintes fêtes du vélo et manifestations en ce sens. 

Pour le covoiturage, « c’est pareil, inexistant ! » Pas à Pas a alors mis en place le Transistop : « Il suffit de s’inscrire en mairie si on est d’accord pour faire du stop ou véhiculer des personnes. On reçoit ensuite un macaron à coller sur notre voiture », explique Agnès Girardin. Financés par la communauté de communes, ces autocollants ont également été apposés sur les abribus pour signaler des arrêts potentiels de voitures. « Ça n’a malheureusement pas été un grand succès. Peu de gens osent se lancer. Donc on a essayé une framaliste, un calendrier partagé, pour centraliser nos déplacements. Succès mitigé là aussi, mais nous gardons espoir. »

Accompagner la transmission des agriculteurs

Penser la transition en Alsace avec Pas à Pas 8
L’atelier jardin dans la serre de Pas à Pas. ©Pas à Pas

De son côté, Dominique Ganter, autre cofondateur de Pas à Pas, est chargé de l’autonomie alimentaire. Un axe de réflexion qui compte. Il se bat pour que l’agriculture ne disparaisse pas dans la vallée, « que les fermes soient reprises et que les jeunes s’installent ici. » Main dans la main avec l’association Terre de liens, Dominique Ganter œuvre pour que les agriculteurs proches de la retraite soient accompagnés dans la transmission de leurs savoir-faire. « On les soutient aussi avec notre AMAP et un gros travail de sensibilisation sur l’alimentation locale. » 

De quoi réduire l’empreinte carbone, encourager la souveraineté alimentaire en circuit court et créer un lien fort entre agriculteurs et consommateurs. Et pour appuyer cette volonté de fédérer, Jacques Demangeat oriente les actions : « Nous avons imaginé des trocs dans des cafés des villages. Ça s’appelle Troc ton truc et nous y échangeons principalement des vêtements, deux ou trois fois par an. » 

Liens sociaux et seconde vie

Penser la transition en Alsace avec Pas à Pas 6
Le Repair Café. ©Pas à Pas

Ces initiatives renforcent les liens sociaux tout en répondant à des besoins concrets, comme le Repair Café. « On y croise des jeunes venus repriser leurs chaussettes, recoller un tabouret ou réparer un micro-ondes. Mais aussi des retraités talentueux, experts en bricolage et travaux manuels. L’idée simple, c’est de donner une seconde vie aux objets. »

Dans la même veine, des acteurs de Pas à Pas proposent des ateliers de construction de serre et de production de replants. « Dès février, on s’active avec du fumier de cheval et en mars, on commence à faire nos semis. Fin mai, on distribue les replants aux bénévoles qui ont participé à tout ce travail, poursuit Jacques Demangeat . On apprend ensemble, on évolue ensemble vers une démocratie écologique et solidaire. »

Le mouvement Transition repose sur cette conviction : les communautés locales peuvent répondre aux défis posés par la crise énergétique et climatique. À leur échelle. Comme la région rurale alsacienne de la vallée de la Weiss, soucieuse de préserver son cadre de vie et de soigner la relation entre les élus et les citoyens – par exemple avec des banquets festifs à base de produits locaux. Sans oublier les jardins partagés. Et Dominique Ganter de conclure : « Nous voulons montrer qu’un autre modèle de société est possible. »