Environnement

Par Agathe Perrier, le 28 avril 2025

Journaliste

Pourquoi calculer son empreinte carbone ?

La température mondiale a déjà augmenté de +1,5°C © Photo d'illustration, Pixabay

L’empreinte carbone d’un Français est en moyenne de 9,4 tonnes équivalent CO2 par an. Et la vôtre ? Différentes plateformes permettent de la calculer. Une bonne façon de prendre conscience de son impact sur la planète, voire de chercher ensuite à le réduire. Il y a en tout cas urgence à agir. Car si l’on veut limiter le réchauffement climatique, chacun doit se restreindre à deux tonnes équivalent CO2 à horizon 2050. Un pas de géant et si peu de temps.

Chacun de nos gestes est à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre. En grande majorité du dioxyde de carbone (CO2) mais aussi d’autres – méthane (CH4) et oxyde nitreux (N2O) notamment –, sont responsables du réchauffement climatique. Un impact toutefois difficile à conscientiser. C’est sur ce constat que des calculateurs d’empreinte carbone ont vu le jour. « Ils permettent de faire sa petite introspection pour se rendre compte du lien entre ses gestes et le dérèglement climatique », explique Cédric Javanaud, directeur général de la Fondation GoodPlanet. Précurseuse en la matière, elle a développé le sien dès 2005. D’autres plateformes ont débarqué plus récemment, au début des années 2020, comme Nos gestes climat lancée par l’Ademe (l’agence de la transition écologique) ou MyCO2 par la société Carbone 4.

S’analyser soi-même

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Les questions portent sur quatre grandes thématiques : déplacements, alimentation, logement, consommation © Capture d’écran Good Planet

Quel que soit le calculateur, il faut répondre à un questionnaire en ligne. Tous portent sur quatre thématiques principales : ses déplacements, son alimentation, son logement, sa consommation. Et vont parfois dans des détails pas toujours simples à quantifier. Comme estimer le nombre de kilomètres parcourus en transport en commun par an, pour ceux qui les fréquentent. Une bonne mémoire est également de rigueur lorsque l’on doit chiffrer certaines dépenses annuelles, en mobilier ou appareils électriques par exemple.

Pour faciliter la tâche des utilisateurs, MyCO2 a fait le choix de textes à trous à remplir. C’est très ludique et plus personnalisé. Ce formulaire est toutefois un peu plus long à renseigner : comptez au moins quinze bonnes minutes contre plutôt dix pour les autres.

♦ Lire aussi l’article « Zéro carbone : le défi impossible ? »

Accompagner le changement

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Nos gestes climat donnent des idées d’action à mettre en place pour réduire son empreinte carbone © Capture d’écran Nos gestes climat

Une fois le questionnaire achevé, l’internaute se retrouve face à son empreinte carbone. Directement comparée à la moyenne française– qui est de 9,9 tonnes équivalent CO2 (tCO2eq) pour Good Planet et de 10,13 pour MyCO2, mais de 9,4 tonnes pour celle qui est considérée comme la référence officielle (lire bonus). En revanche, cette information n’apparaît pas sur Nos gestes climat, qui préfère plutôt mentionner l’objectif de 2 tonnes équivalent CO2. Ce dernier doit être atteint en 2050 si l’on veut espérer limiter le réchauffement climatique à +2°C à horizon 2100, comme le veut l’Accord de Paris sur le climat.

« Le résultat peut être déroutant pour ceux qui sont loin de l’objectif », soulève Robin Girard, enseignant-chercheur au Centre Persee de l’école des Mines de Paris. « Surtout si ce n’est pas accompagné d’explications sur ce qui peut permettre d’avancer, individuellement et collectivement ». Les plateformes listent justement quelques actions à mettre en place à sa propre échelle. La voiture est votre moyen de transport principal pour aller au travail ? Optez pour le covoiturage, utilisez un vélo ou les transports en commun. Réduisez les consommations de votre logement en installant des panneaux solaires ou un thermostat programmable. Des idées souvent préconçues, mais qui ont le mérite d’exister. « Notre objectif est d’éviter la culpabilisation ou une approche punitive pour être, au contraire, dans une démarche pédagogique et d’éclairage positif et bienveillant », nous glisse l’Ademe.

Déclencher une prise de conscience

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Sur MyCO2, son empreinte carbone est comparée à celle de son pays © Capture d’écran MyCO2

Qu’en est-il de la fiabilité des résultats ? Pour le comparateur de Good Planet, Cédric Javanaud indique utiliser la méthodologie proposée par l’Ademe. L’établissement public revendique en effet « apporter les bons ordres de grandeur aux citoyens ». Et ajoute : « L’idée est avant tout qu’ils réalisent que ce qui compte vraiment, en matière d’empreinte carbone et d’eau, c’est la consommation de produits d’origine animale, la consommation d’essence de tous nos déplacements, d’énergie pour se chauffer (ou climatiser), ainsi que la quantité d’objets que nous achetons et accumulons. À côté de ces postes-là, le reste est presque négligeable ».

MyCO2 affirme aller plus loin dans sa méthode de calcul, exemple à l’appui avec la consommation de viande rouge. « Notre calculateur prend en compte les émissions liées à cette consommation, mais aussi celles liées à l’ensemble des infrastructures qui ont permis à la viande d’arriver dans l’assiette : construction des supermarchés, systèmes de réfrigération, déplacements des salariés… Ce que ne font pas les autres plateformes et qui explique pourquoi les scores obtenus avec la nôtre sont généralement plus élevés », expose Roman Ledoux, fondateur et directeur.

♦ Lire aussi l’article « La rénovation : un enjeu crucial pour bâtir la ville de demain »

Jamais trop tard pour agir

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Robin Girard est expert de la modélisation bas carbone au Centre Persee de l’école des Mines de Paris © DR

Les scientifiques ont en tout cas tiré la sonnette d’alarme. Les niveaux actuels d’émissions de gaz à effet de serre sont bien trop élevés si l’on veut contenir la hausse de la température mondiale à +2°C d’ici la fin du siècle. Sachant qu’elle a déjà augmenté de +1,5°C ! L’objectif de deux tonnes représente donc un pas de géant, en seulement vingt-cinq ans. « Ce sera plus difficile pour certains que pour d’autres, mais ce sera quand même dur pour tout le monde », prévient Robin Girard. Il invite chacun à chercher des manières ludiques de modifier ses habitudes. Et surtout de trouver du bonheur dans ces changements, car il en résulte toujours.

Gravir cet Everest dépendra également d’une action collective à l’échelle de l’ensemble de la société. « Le politique, c’est nous, rappelle néanmoins l’expert de la modélisation bas carbone. Ce sont des hommes et des femmes qui écoutent les citoyens, ne serait-ce que pour gagner des électeurs ». Autrement dit : plus les voix s’élèveront en faveur de la protection du climat, plus elle prendra de place dans les décisions de nos élus.

Quant à savoir s’il n’est pas trop tard pour agir, la question se pose. Cédric Javanaud y coupe court. « Même si les trajectoires actuelles ne sont pas bonnes, que l’on va vers un dérèglement climatique important, son intensité va être conditionnée par ce que l’on met en place dès à présent. À +0,2°C ou +0,5°C, les impacts sur notre vie quotidienne seront radicalement différents. Chaque dixième de degré évité compte ». Le message est passé. ♦

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Bonus

[pour les abonnés] – La comparaison est malaisée – L’empreinte carbone de la France – Par postes de consommation –

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# Difficiles comparaisons – Il n’est pas aisé de comparer l’empreinte carbone des différents pays du monde. « Les modalités de calcul (…) ne sont ni normées ni standardisées à l’échelle internationale », indique le service français des données et études statistiques (SDES), qui établit celle de la France. C’est pourquoi la comparaison se fait plutôt au regard des émissions de gaz à effet de serre des pays, qui englobent l’ensemble des activités économiques réalisées à l’intérieur des frontières (quand l’empreinte carbone prend aussi en compte les produits importés). L’Hexagone, avec ses 5,8 tonnes équivalent CO2 par habitant, s’affiche en dessous de la moyenne mondiale (6,59 tCO2eq). Parmi les plus gros émetteurs figurent les pays producteurs d’hydrocarbures comme le Qatar (52,57 tCO2eq), le Bahreïn (35,25 tCO2eq) ou encore les Émirats arabes unis (26,29 tCO2eq).Les États-Unis s’affichent à la 7e place (17,61 tCO2eq) et la Chine à la 34e (11,11 tCO2eq). Beaucoup de chemin reste donc à faire, pour tout le monde. Plus de chiffres en cliquant ici.

♦ Lire aussi : Décarbonation, le logement social à la pointe

Pollution automobile ©Pixabay

# L’empreinte carbone de la France. En 2023, l’empreinte carbone de la France est estimée à 644 millions de tonnes équivalent CO2. Elle diminue de 4,1% par rapport à 2022 et atteint son plus bas niveau historique, hors l’année de la crise sanitaire, à un niveau bien inférieur (- 6,9%) à celui estimé pour l’année 2019. Ramenée à l’ensemble de la population, l’empreinte carbone est de 9,4 t CO2 éq par personne. Les émissions importées représentent plus de la moitié (56%) de l’empreinte. L’empreinte carbone de la France a diminué de 13% depuis 1990 sous l’effet de la réduction des émissions intérieures (- 33%), tandis que celles associées aux importations se sont accrues (+ 13%).

# La décomposition de l’empreinte carbone de la demande finale de la France par postes de consommation. L’empreinte carbone de la demande finale de la France rapportée à sa population est estimée à 9,5 tonnes équivalents CO2 en 2017. Se déplacer, se nourrir et se loger agrègent les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’empreinte carbone d’un Français : 30% pour le transport des ménages (2,8 t CO2 éq/hab), 23% pour leur habitat (2,2 t CO2 éq/hab), 22% pour leur alimentation (2,1 t CO2 éq/hab), 10% pour l’achat de biens d’équipements (0,9 t CO2 éq/hab) et 16% pour les services marchands et non marchands utilisés par les ménages (1,5 t CO2 éq/hab).