ÉducationJustice
Quand les avocats vont à la rencontre des lycéens
Pour améliorer l’accès au droit des adolescents, le barreau des Hauts-de-Seine expérimente depuis septembre 2022 des permanences d’avocats d’enfants régulières dans quatre lycées du département. Confidentielles et gratuites.
Un avocat dans un lycée, c’est peu commun – en dehors d’événements spécifiques comme la Journée des droits de l’enfant. Mais dans quatre établissements des Hauts-de-Seine, c’est devenu une habitude. À Simone-Veil (Boulogne-Billancourt), Joliot-Curie (Nanterre), René-Auffray (Clichy) et Michelet (Vanves), un avocat est présent une à deux fois par mois, pendant deux heures. Il y dispose d’un bureau pour recevoir les élèves, gratuitement et en toute confidentialité, avec ou sans rendez-vous.

« Le barreau des Hauts-de-Seine avait mis en place des permanences pour enfants au tribunal : « Mercredi, j’ai avocat » (voir bonus), retrace la bâtonnière Me Isabelle Clanet dit Lamanit, elle-même avocate d’enfants (voir bonus). Et on a constaté que ce n’était pas facile d’accès pour eux, notamment parce que c’est très sécurisé. On a donc réfléchi à se délocaliser vers des centres de vie des plus jeunes et on s’est orienté vers le milieu scolaire. » Le barreau finance en grande partie le dispositif, avec une petite aide du Centre départemental de l’accès au droit. Il a signé une convention avec l’Inspection académique pour chaque établissement retenu.

Avec ou sans rendez-vous
«Puisque les mineurs venaient difficilement à nous, on est allés aux mineurs », rebondit Me Ariane Ory-Saal, présidente de la commission droits des enfants au barreau. Et de poursuivre : « On voulait de gros établissements, avec des problématiques, pas un établissement privé de Neuilly. Pour se rapprocher d’une population qui a encore moins les moyens d’aller seule vers les droits. » Elle-même participe ponctuellement à ces permanences, comme peuvent le faire les 76 membres de la commission. Tous candidats.
Concrètement, un avocat présente la permanence à une partie des élèves, explique le rôle d’un avocat d’enfants, les sujets abordés, les créneaux de présence… Des affiches sont placardées çà et là. Puis les lycéens peuvent choisir de le rencontrer spontanément ou de prendre rendez-vous. Chaque établissement a défini son mode de fonctionnement : inscription sur un cahier disponible à la « vie scolaire » pour certains, via l’application permettant les échanges avec la communauté éducative pour d’autres.
“1001 problématiques”

« Cela marche mieux dans certains établissements que dans d’autres, reconnaît Me Ory-Saal, sans avoir encore identifié la formule parfaite, c’est encore en rodage. Le manque de confidentialité dans la prise de rendez-vous, parfois, est clairement un frein. Mais les établissements jouent le jeu et ça ne peut que fonctionner. Quand on intervient lors de débats, ils ont toujours énormément de questions… Et ils sont très nombreux à avoir des problèmes, que ce soit de harcèlement, de réseaux sociaux, dans leur famille… Qu’il s’agisse de droits de visite, d’addiction, de violences conjugales, voire intrafamiliales… Il y a 1001 problématiques. En permanence j’ai tout eu : « je recherche un stage dans un cabinet », « je voudrais devenir avocat », « mon oncle frappe ma tante »… »
> (Re)lire notre article : Un bus pour rapprocher le Droit et les citoyens

« Pas mal d’enfants sont en souffrance à cause de problèmes juridiques, souvent dans le cadre de séparations, prolonge Me Clanet dit Lamanit, parfois ils se retrouvent détenteurs d’un secret, en détresse psychologique… Ils doivent savoir qu’ils ont le droit d’exprimer leur opinion devant le juge aux affaires familiales, d’être accompagnés d’un avocat et d’être ensuite suivis par cette personne…
C’est important aussi qu’ils sachent qu’ils peuvent être accompagnés lors d’un conseil de discipline où l’enfant se retrouve souvent paralysé, seul avec un parent, face à une quinzaine de personnes appartenant toutes à la même institution. C’est très rare que la famille se fasse assister. Par méconnaissance et par manque de moyens financiers. Ce n’est pas dans le budget de l’aide juridictionnelle. Du coup, c’est une zone de non-droit. »
Favoriser l’accès au droit
Qu’on ne s’y trompe pas pour autant, l’objectif de ces permanences « n’est ni de conflictualiser ni de judiciariser. Mais bien de favoriser l’accès au droit » insiste Me Ory-Saal. « S’ils ne connaissent pas leurs droits, ils ne peuvent pas les exercer et ces droits n’existent pas. Un enfant peut avoir son avocat, qui est tenu par le secret professionnel. » Elle le rappelle dans une courte vidéo (ci-dessous) dédiée aux lycéens pour présenter ces permanences. Elle y précise également que les avocats y accueillent les victimes, mais aussi les mineurs mis en cause. Et qu’ils pourront aborder de nombreux sujets. « C’est tout un bouleversement culturel » conclue la bâtonnière. En espérant pouvoir bientôt l’amorcer dans d’autres lycées, mais aussi dans des collèges. ♦

Bonus
- Les avocats d’enfants. La notion est apparue avec la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Cela a donné lieu à une structuration au sein des barreaux, en groupement, association ou commission. La mention est ensuite apparue en 2022. Tout enfant en âge de discernement (à partir de 7-8 ans) a droit à un avocat. Ce sera le même durant toute sa minorité.
- D’autres consultations gratuites. Le barreau des Hauts-de-Seine a également mis en place une ligne téléphonique et un mail spécifiques. Dédiés aux droits des enfants. Dans les faits, ce sont surtout des adultes qui y ont recours, pour des enfants. On peut y prendre rendez-vous pour une permanence gratuite dans le cadre de « Mercredi j’ai avocat ». Ou demander un bon pour une consultation gratuite chez un avocat d’enfants proche de chez lui. De nombreux barreaux proposent ce type d’aide.