Solidarité

Par Maëva Gardet-Pizzo, le 30 décembre 2024

Journaliste

Rénald Garrido, cœur de lion de l’insertion

[pour les fêtes, tirée de nos réserves, une galerie de portraits façon Marcelle – 5/8]

C’est à l’Après M qu’on est le plus susceptible de croiser Rénald Garrido, à moins qu’il ne se trouve dans le quartier de Saint-Henri où se situe sa salle de boxe à visée sociale. Sillonnant les quartiers Nord de Marseille, cet ancien champion de boxe volubile est un grand sensible qui tire sa force de son parcours chaotique. Force qu’il met au service de tous ces « héros » du quotidien qu’il croise, palliant, autant que faire se peut, l’incapacité de la société à leur offrir une place qui les valorise vraiment.

C’est un grand sensible qui n’a pas peur de le dire. Ni de le montrer. Entre les tables de l’Après M, ce fast-food solidaire des quartiers nord de Marseille, il multiplie les accolades, prend des nouvelles de chacun, offre volontiers un café devant lequel il peut s’attarder en interminables palabres.

L’émotion n’est jamais loin. Lorsqu’il parle de son histoire, de ses deux enfants. Ou des situations difficiles des personnes qu’il croise ici, ces modestes « héros » auxquels la société ne donne pas la reconnaissance qu’ils méritent.

Des personnes qu’il croise le lundi, lors de la distribution hebdomadaire de colis alimentaires qu’organise l’Après M. Ordinateur sous la main, il tente de défaire ces nœuds administratifs qui leur gâchent la vie. Il leur prête une oreille attentive. Un regard qui engage.

Les autres jours de la semaine, c’est son costume de conseiller en insertion professionnelle qu’il endosse, accompagnant la vingtaine de salariés en insertion participant à la vie du fast-food solidaire. Résolution des difficultés sociales. Mise en place d’un projet professionnel. Aide à la recherche d’un emploi pérenne… Un travail qui permet à beaucoup de reprendre pied, de retrouver confiance en soi.

De la prison au ring

Rénald Garrido, cœur de lion de l’insertion 3L’insertion, Rénald Garrido s’y est plongé à l’âge de vingt-cinq ans. Avec une certaine rage, pas toujours adaptée à ses missions « J’étais dur avec les gens. C’était un peu marche ou crève », se rappelle-t-il. Résidus d’un parcours chaotique dont il s’est sorti par les coups, à travers la boxe.

Un contexte familial tendu. Les dettes. L’isolement. Le décrochage scolaire. La prison à l’âge 19 ans. Mais à 25 ans, il se trouve une bouée de sauvetage : la boxe, pratiquée par son père au Portugal, dont il est originaire, puis en Champagne-Ardennes. C’est sa remontada. Comme coach d’abord, puis comme combattant. « Ma boxe était peu technique, mais d’une énorme générosité ». Ce qui lui vaut un surnom : « Lion’s Heart », pour cœur de lion. Il entre à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), enchaîne les titres dans sa catégorie des super-légers : champion de Provence d’abord, puis de Provence-Alpes-Côte d’Azur et de France en 2016 et 2018.

« L’amour de l’autre m’a fait devenir conseiller en insertion professionnelle »

Rénald Garrido, cœur de lion de l’insertion 1Mais il n’y a pas qu’à la boxe que Rénald s’accroche. « J’aime les gens. Et c’est cet amour de l’autre qui m’a fait devenir conseiller en insertion professionnelle ». Un métier auquel il se forme et qu’il exerce désormais à l’Après M. Convaincu que le frigo vide est le fondement de bien des maux. Et que seul le travail peut le remplir tout en permettant aux personnes de trouver leur place dans la société.

Parmi les profils de ces personnes accompagnées à l’Après M : de jeunes décrocheurs, des réfugiés ayant fui la guerre à l’image de Maria qui a dû s’arracher à son Ukraine natale. D’autres sont sous surveillance judiciaire après un passage en prison. Il y a aussi Paola, jeune maman célibataire venue de Roumanie, qui n’avait jamais travaillé auparavant, et qui assure avoir trouvé ici « une deuxième famille ». Des vies cabossées sur lesquelles il se penche, avec toute sa sensibilité et son espoir en l’avenir, soucieux de se mettre à la place de chacun, prenant en compte ses spécificités sociales comme culturelles.

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En parallèle, Rénald Garrido s’engage au travers de sa salle de boxe proposant de l’inclusion par le sport. « On fait de l’accompagnement scolaire et familial pour des personnes du quartier de Saint-Henri et des alentours, dont les cités de la Bricarde et de la Castellane qui ont des problèmes avec les réseaux de drogue ». L’idée : offrir aux jeunes qui auraient intégré ces réseaux une éventuelle porte de sortie, alliant sport et accompagnement socio-professionnel. Leur montrer qu’il est toujours possible de bifurquer. Et si jamais ils en doutaient, Rénald Garrido en est la preuve vivante. ♦

* Cet article a été originellement publié le 17 mai 2024