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Renvo redonne des ailes aux éoliennes
En 2024, la France comptait plus de 9 500 éoliennes réparties sur 2 390 parcs. Que faire de celles que l’obsolescence guette ? À la tête de Renvo, Alexandre Bousquet et Nicolas Vrécourt se sont taillé une place dans le monde des énergies renouvelables. Leur mission : promouvoir l’émergence d’une filière de l’éolien de seconde main, adaptée à l’offre et aux besoins.
La start-up Renvo est toute jeune. Baptisée d’un nom né de la contraction des mots « Renouvelable » et « Évolution », elle a été lancée en août 2024 et est incubée au sein du Business & Innovation Centre (Bic) de Montpellier. Alexandre Bousquet et Nicolas Vrécourt sont à sa tête. Ils sont forts d’une quinzaine d’années d’expérience dans le secteur des énergies vertes. Le premier a travaillé dans la préconstruction et la logistique chez des développeurs de projets éoliens, notamment pour EDF Renouvelables. Le second a œuvré comme commercial pour le compte de grands turbiniers tels que l’Allemand Nordex.
« Nos expériences font que nous nous complétons bien », souligne Nicolas Vrécourt. Jusqu’à sauter d’un même pas pour se lancer sur le marché de la seconde main de l’éolienne – ce dispositif qui transforme l’énergie du vent en énergie électrique. « Cet équipement est censé être vertueux. Pourtant, une grande partie des machines, toujours en bon état, finit au recyclage pour être transformée. Cela représente un certain coût, alors que ça pourrait resservir », poursuit Nicolas Vrécourt. <!–more–>

Tout se recycle dans l’éolienne…

… ou presque. « Ce n’est ni plus ni moins que de l’acier, des câblages, des motoréducteurs qui vont intéresser les ferrailleurs. Ou être reconditionnés en pièces détachées », indique Nicolas Vrécourt. La fondation en béton peut être concassée pour faire par exemple du remblai routier ou d’autres matériaux de BTP.
Les pales sont les composants les plus complexes à réutiliser. « Elles contiennent des fibres de verre, parfois des fibres de carbone avec de la résine. À défaut de solutions abordables, on peut les découper, les mettre dans un four pour les revaloriser thermiquement ». Ailleurs, des sociétés hollandaises proposent de les transformer en rambardes d’autoroutes ou en renforts de ponts.
Il existe cependant des alternatives plus économiques que le recyclage pour reconditionner et réemployer les éoliennes qui ont déjà servi. En totalité ou en grande partie. C’est sur ce marché que Renvo se positionne : « Nous sommes en quelque sorte des courtiers à la recherche du meilleur scénario écologique possible pour correspondre aux besoins. Nous mettons en relation ceux qui démantèlent les machines avec ceux qui sont susceptibles de les réutiliser. Tout en veillant à la bonne marche de chaque étape de l’opération ».
Le réemploi contrarié par un marché qui n’anticipe pas
Le marché de l’éolien neuf est en constante évolution. Les fabricants de turbines se concentrent avant tout sur des modèles de machines plus grandes et plus performantes. Or, les petits modèles, qui prévalaient il y a dix ou vingt ans, ne sont plus produits. « On fait la course au gigantisme avec des dispositifs toujours plus puissants pour une production dense d’énergie verte, moins chère », constate Nicolas Vrécourt. Mais certains sites ne peuvent pas accueillir ces imposantes éoliennes. « De plus, en France, les autorisations de permis de construction et d’installation sont délivrées lentement. On se retrouve alors à obtenir des permissions pour un certain type de machines plus du tout disponibles à la vente ».

De ce fait, il n’y a plus de liens entre les permis pour éoliennes de petites dimensions, qui continuent à être délivrés, et l’offre des fabricants. De surcroît, les sociétés actives dans le démantèlement sont très peu connectées au monde du développement de projets. « Donc, elles n’ont pas écho des permis obtenus. Ni du fait qu’il serait pertinent de réinstaller les petites machines démontées, mais en bon état ». Le manque d’anticipation dans la déconstruction des centrales éoliennes est aussi un frein à ce réemploi. « On ne peut pas en effet démonter et remonter tout en un claquement de doigts du jour au lendemain ».
Ces machines ont été conçues structurellement pour une vingtaine d’années. Cependant, selon les sites où elles ont été installées, en fonction notamment de la force du vent à laquelle elles ont été confrontées, elles peuvent aller bien au-delà de deux décennies d’utilisation. « On fait des recalculs lorsqu’on anticipe leur installation, en prenant en compte les données de vent du site sur lequel on va les poser. Selon les résultats, on va pouvoir aller sur des durées de vie supplémentaires de vingt-cinq à quarante ans sur certains modèles », indique le chef d’entreprise.
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Coller aux besoins des acheteurs en explorant tous les paramètres
Nicolas Vrécourt et Alexandre Bousquet récupèrent la documentation du parc sur lequel le démantèlement aura lieu, toutes les données de production, de maintenance, de performance… « Cet arsenal d’informations nous permet d’estimer la valeur des machines. Et, en fonction des profils et des besoins des acheteurs – souvent ça va être un développeur de projet qui va faire repartir les éoliennes sur quinze ou vingt ans -, les sociétés avec lesquelles nous traitons vont reconditionner les machines pour les remettre en service ».
Renvo fait intervenir des prestataires extérieurs, mais de confiance, qui inspectent, font des études d’impacts avant de déconstruire, transporter, reconditionner, refaire la certification des machines. Puis remonter sur leur nouveau site d’exploitation, remettre en service et assurer leur maintenance.
Les deux associés espèrent à terme pouvoir assurer eux-mêmes toutes ces étapes. « Il faut pour cela beaucoup de liquidités. Aujourd’hui, nous ne sommes que de simples intermédiaires, facilitateurs entre prestataires. Sans pour autant nous désengager des discussions dès lors que la vente est conclue. On veille à ce que tout se déroule bien de A à Z ».
Des embauches prévues d’ici la fin de l’année
Le volume de récupération des éoliennes va varier en fonction des sites. « Un énergéticien écossais nous a consultés pour ses parcs qui tournent depuis plus de vingt ans au nord de l’Écosse. La plupart des machines ont extrêmement souffert. Elles ont pris énormément de vent et ont été confrontées à une forte salinité. Il y a très peu de chance qu’elles puissent pleinement resservir », raconte Nicolas Vrécourt.
Dans ce cas de figure, il sera proposé au vendeur de se tourner vers le marché de la récupération de certains composants. « Par exemple, de voir avec des turbiniers pour alimenter leurs stocks de pièces détachées. Ou avec les opérateurs qui ont des modèles de machines identiques et un besoin immédiat de remplacer telle ou telle pièce ».
Renvo s’est rapidement imposé sur le marché de la seconde main de l’éolien. « Pas besoin de prospections commerciales, nous connaissions déjà nos clients ». La start-up travaille sur toute l’Europe – « même si en France, on trouve plus facilement de machines avec de bonnes qualités résiduelles ». Les sites français ne sont pas soumis à des vents trop agressifs. Il y a aussi en France un vivier de parcs à rééquiper avec de petites éoliennes. Renvo planifie d’embaucher trois personnes d’ici la fin 2025. Puis de monter à une quinzaine d’emplois fin 2026 : des commerciaux aux informaticiens en passant par des techniciens pour gérer les chantiers de reconstruction. ♦

Bonus
# Dès que le vent soufflera. En 2024, la France comptait plus de 9 500 éoliennes réparties sur 2 390 parcs (dont trois en mer). L’éolien est le premier employeur des énergies renouvelables électriques du territoire tricolore. Il assure plus de 31 447 emplois. Le parc éolien français occupe la troisième place en Europe en termes de puissance (24 930 MW au 31 mars 2025). Juste derrière l’Allemagne et l’Espagne. En 2024, la part de l’éolien dans la production nette d’électricité a atteint 10,5% (contre 8,4 en 2022). Pour atteindre 45 GW de puissances installées en 2035, et éviter le recours aux énergies fossiles importées, il faudrait tenir un rythme d’environ 2GW d’éolien installé chaque année.
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# La France lambine. Bien que cette source d’énergie représente un potentiel indéniable, la France est plutôt à la traîne comparée à d’autres pays. Cela s’explique par un contexte législatif et réglementaire complexe qui engendre notamment des difficultés à obtenir des permis de construire. Ce sont aussi les freins relatifs aux préoccupations environnementales (les opposants parlent de pollution visuelle, de bruits, de production faible et non rentable…), par le poids du nucléaire, par un manque de visibilité des projets.
Un sondage Ademe/ministère de la Transition écologique révèle en 2021 que 73% des Français ont une bonne image de l’énergie éolienne et sont même favorables au développement des parcs. Une autre enquête de 2024, réalisée par Ipsos à la demande d’Octopus Energy, indique que 69% des Français interrogés sont favorables à l’installation d’une éolienne à moins de 15 km de leur domicile. Surtout si cela permet de réduire la facture d’électricité.