EnvironnementSolidarité

Par Zoé Charef, le 29 janvier 2025

Journaliste

Rien ne se perd à la Bois’cyclerie !

Le travail du bois et le partage, tout un programme à la Bois'cyclerie. ©Sébastien Augier

À Faverges, en Haute-Savoie, la Bois’cyclerie redonne vie au bois tout en nouant des liens humains. Son fondateur, Sébastien Augier, mise sur l’économie circulaire et l’insertion sociale, mais aussi l’énergie locale et le partage. Ici, bénévoles-bricoleurs et jeunes en situation de handicap transforment ensemble l’existant en nichoirs, tables de pique-nique ou balustrades. 

Au rez-de-chaussée du bâtiment rectangulaire surplombant Faverges-Seythenex, en Haute-Savoie, la matériauthèque de bois est pleine de vie en cet après-midi de janvier. Installée ici depuis trois ans, la Bois’cyclerie accueille des jeunes de l’Institut Médico-Educatif (IME) de la commune pour leur faire découvrir le travail du bois. Et, à travers cette activité, créer du lien social. Tous les mercredis, un ou deux jeunes déficients intellectuels viennent nettoyer, poncer, couper du bois, en retirer clous et autres intrus. De ce travail naissent une petite table, un nichoir ou un élément de décoration.

Un triptyque recyclage, inclusion et artisanat 

Sébastien Augier, fondateur de la Bois’cyclerie, dans son atelier. ©ZC

Malgré le froid ambiant de ce jeudi matin, Sébastien Augier, le fondateur de la Bois’cyclerie, présente son atelier avec un grand sourire. Les larges baies vitrées orientées vers la verdure et les montagnes. Et surtout, les tonnes de chutes de bois rangées ici. « De l’orme, du chêne, de l’aulne, du bois exotique… Et aussi du contreplaqué, énumère-t-il. Tout vient de dons de particuliers, de collectivités locales ou de chutes d’anciennes menuiseries. Grâce au bouche-à-oreille, on en reçoit tellement qu’on en refuse même ! » 

Spécialisée dans la récupération et le réemploi du bois, la bien nommée Bois’cyclerie répond aux enjeux de l’économie circulaire et de réduction des déchets. Mais l’objectif de Sébastien Augier est d’aller plus loin pour associer les trois volets du développement durable, qui sont le recyclage, l’artisanat et l’inclusion. Avoir implanté cette association sur le territoire permet de faire vivre l’artisanat (designer, ébénistes, menuisiers) en Auvergne-Rhône-Alpes. De permettre aux jeunes et adultes de structures d’insertion locales (IME et établissements spécialisés d’aide par le travail) de découvrir ce matériau et ses métiers. De sorte que la Bois’cyclerie remplit son objectif social et solidaire.

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Une seconde vie pour le bois et une idée de boulot pour les jeunes

Du bois, du bois et encore du bois ! ©SA

En France, on estime à environ 46 millions de tonnes par an les déchets issus du BTP. « Soit quand même 70% des déchets totaux ! Il y a une vraie problématique de savoir que faire de ces matériaux. Au lieu d’opter pour une économie linéaire où ça deviendrait de simples déchets, on a choisi l’économie circulaire, explique le fondateur, optimiste. Finalement, on offre une seconde vie à tout ce bois inutilisé et on aide les jeunes à peut-être découvrir leur futur métier. »

L’organisation de la Bois’cyclerie mêle bénévoles-bricoleurs et jeunes en difficulté autour d’un projet commun : faire de morceaux de bois « sales et abîmées » du parquet pour une terrasse, des pieds de table, un sapin en bois ou des tables de pique-nique pour les écoles environnantes.  « Nettoyage, brossage, vissage, traitement… On participe tous à la vie de l’asso, au même niveau », continue-t-il.

En quête de sens

On tape à la porte vitrée. « C’est l’ébéniste avec laquelle je travaille depuis un an », présente le fondateur. Après une reconversion professionnelle, Fabienne s’est lancée à corps perdu dans la rénovation de meubles anciens, la réalisation de mobilier sur mesure et la création d’objets en bois. Avec l’envie de donner du sens à son métier et d’avoir un impact positif sur l’environnement et l’humain, Fabienne épaule donc Sébastien lors des animations. « J’adore voir les jeunes si fiers des objets qu’ils fabriquent eux-mêmes. Ils sont contents d’être capables de faire quelque chose de leurs mains », s’émeut-elle.

Les ateliers de la Bois’cyclerie, un moment de partage et d’apprentissage. ©SA

Pour ses créations, elle utilise les chutes disponibles à l’atelier avant même d’accepter les commandes de ses clients. « Il faut le bon bois pour le bon meuble », justifie-t-elle, montrant une table de salon retournée sur son établi et aux pieds abîmés. « C’est du bois exotique ça, non ? On en a si tu en as besoin », l’informe Sébastien. Fabienne sourit : « Oui, c’est justement le nôtre que j’ai utilisé ! Il était parfait pour renforcer la table. » Son stagiaire menuisier arrive au même moment.

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Des bénévoles motivés et des projets plein la tête

« Le bois a été récupéré dans les environs, les bénévoles viennent des alentours, les élèves-stagiaires sont dans les instituts de la région… Non, vraiment, on fait dans le local de A à Z ! », observe fièrement le fondateur. L’ouverture est également au programme, avec les soirées Apéro’planches qui permettent aux particuliers de venir s’essayer à la menuiserie et d’imaginer leur propre planche apéro… en buvant un verre en bonne compagnie. 

Les soirées Apéro’planches permettent de recruter ©SA

Qui permettent aussi, pourquoi pas, de devenir membre, voire bénévole.  « L’adhésion coûte 15 euros, elle permet de donner ou d’acheter du bois et de participer au projet associatif. » Dans le groupe WhatsApp dédié, la quinzaine d’adhérents actifs partage des idées d’objets à tester avec les derniers arrivages, se porte volontaire pour aller chercher du bois et propose son aide pour les diverses animations. Ce ne sont pas les tâches qui manquent.

Ces derniers temps, la Bois’cyclerie est encore plus en ébullition qu’à l’accoutumée : en effet, elle a reçu des fonds européens pour la création d’ateliers à destination du public en situation de handicap. « Ça va nous permettre de payer Fabienne pour animer davantage de rencontres. C’est super positif !, se réjouit Sébastien Augier. On garde l’idée de mettre l’artisanat local en valeur. On est donc en train de s’organiser avec des structures du coin comme l’association Passage qui aide les jeunes en décrochage scolaire. » La philosophie de l’atelier n’est pas près de s’éteindre.