Économie
Le rebond, mieux que la clé sous la porte : l’exemple de TeedUp
On entend souvent dire que le cap des trois ans est fatidique pour les entreprises. Un adage qu’a failli confirmer la start-up marseillaise TeedUp. Initialement application de rencontres sportives entre amateurs, elle s’est transformée pour devenir une agence de sportifs de haut niveau. Un changement de cap inévitable pour assurer sa survie, selon l’un de ses fondateurs, Simon Kuster. Toujours à la barre, il revient sur cet épisode délicat.
L’entrepreneuriat n’est pas un long fleuve tranquille et la trajectoire de la start-up Teed Up le prouve bien. À son origine, un concept simple sous forme d’application : mettre en relation des sportifs amateurs pour se motiver mutuellement dans la pratique de leur activité. Lancée en janvier 2022, la plateforme a rapidement trouvé son : 10 000 adeptes malgré le peu de publicité autour. Les services se sont ensuite étoffés, avec notamment des séances proposées par des coachs et des sportifs de haut niveau. Si bien que le nombre d’inscriptions n’a cessé de grossir jusqu’à atteindre les 50 000 deux ans plus tard.
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La fin du rêve…

Une belle success-story qui s’est toutefois arrêtée net en janvier dernier. « Le modèle économique de ce type d’application est trop difficile », explique Simon Kuster, cofondateur et président de TeedUp. Si une offre « coach » payante était obligatoire pour les professionnels qui souhaitaient proposer des sessions sportives, cette possibilité restait gratuite pour les amateurs. Ces derniers pouvaient néanmoins souscrire à un abonnement mensuel pour accéder à des fonctionnalités complémentaires. « Il nous aurait fallu un volume d’utilisateurs beaucoup plus important pour pouvoir vivre de cette activité », indique l’entrepreneur. Alors que là, la trésorerie ne dépassait pas les deux semaines.
Face à cette situation, « on a tout coupé et opéré un “twist”. On a préféré prendre un nouveau tournant pour que l’histoire continue plutôt que de poursuivre sur notre lancée et devoir mettre la clé sous la porte », indique-t-il. Non sans regret, surtout pour lui qui était à l’initiative de ce projet dès la fin 2020, rejoint ensuite par sa sœur Alice et deux associés. « J’y croyais vraiment. J’y ai mis énormément de temps et d’énergie », confie-t-il. De l’argent aussi : 20 000 euros de sa poche, vendant pour cela à deux occasions sa voiture. Un investissement qui n’a pas porté ses fruits. « On était lessivés », souffle-t-il.
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Dans notre série « De bonnes idées qui tournent court » – Totem Mobi (#1), des mini-voitures électriques louées à la minute, YoYo (#2), une plateforme de tri avec récompense à la clé et Maisons Bio (#3), les maisons qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment, Oléo-Déclic (#4), les huiles de friture usagées des restaurants marseillais valorisées en biocombustible pour alimenter des chaudières.
…et le début d’un autre

D’où le virage à 180 degrés opéré. TeedUp a en effet choisi de « capitaliser sur sa plus grande valeur » : le réseau de sportifs de haut niveau créé au fil du temps. De devenir en quelque sorte l’agent qui les met en relation avec des entreprises pour animer des conférences, des sessions sportives ou des formations. « Ils partagent leur expérience et les rouages du sport de haut niveau. Ainsi que des conseils personnalisés et précieux sur des thématiques qui touchent tout le monde, comme la gestion du stress, la prise de décision, faire toujours plus avec peu de ressources », expose Simon Kuster.
La start-up dispose pour cela d’un répertoire fort d’une soixantaine de sportifs et handisportifs œuvrant dans près d’une vingtaine de disciplines. Certains ont déjà pris leur retraite sportive – à l’instar du nageur Camille Lacourt ou du handballeur Jérôme Fernandez – quand d’autres sont encore en activité – l’escrimeuse Jade Maréchal, le nageur Clément Secchi, la boxeuse Rima Ayadi, pour ne citer qu’eux. « Près de 100 interventions ont été organisées depuis janvier. On espère passer ce cap prochainement et travailler avec plus d’entreprises de la région. Pour le moment, ce sont surtout des structures situées à Paris et sa région qui nous sollicitent », regrette un peu le dirigeant. La perche est lancée.
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Apprendre de ses erreurs

Si l’entrepreneur de 32 ans paraît apaisé aujourd’hui, il reconnaît qu’il n’en allait pas de même il y a moins d’un an. Il évoque avec lucidité les raisons qui ont mené la première version de TeedUp dans l’impasse. « Je pense qu’on a fait beaucoup d’erreurs », admet-il. D’abord en s’étant lancés dans un domaine qu’on ne maîtrisait pas. Développer une appli c’est un vrai métier ». Mais aussi, « avoir cru qu’on ne vivrait que de levées de fonds. Elles font rêver, mais il faut s’en éloigner. À moins d’avoir un projet très porteur, comme une innovation de rupture », considère-t-il. C’est pourquoi il n’a compté que sur l’autofinancement pour relancer sa start-up, avec sa sœur toujours à ses côtés. Les deux associés initiaux ont en revanche emprunté des voies différentes. Quant aux alternants, ils poursuivent leur formation dans d’autres entreprises.
La fratrie est en tout cas ressortie grandie de cette période, et plus soudée. Le fait de travailler entre frère et sœur est d’ailleurs leur force aux yeux de Simon Kuster. « On est très différents, donc pas tout le temps d’accord. Mais, justement, on avance mieux, on prend de meilleures décisions. Ça nous a portés et poussés à trouver des solutions pour s’en sortir », estime-t-il. Dans le rouge il y a encore neuf mois, les comptes ont désormais dépassé la barre des 100 000 euros de chiffre d’affaires. « Le prochain objectif, c’est le million ! », sourit-il, plus motivé que jamais. ♦
Bonus
- Les Français et le sport – La pratique régulière se stabilise dans l’Hexagone. En 2023, 59% des 15 ans et plus ont pratiqué une activité physique et sportive régulière, selon le baromètre national des pratiques sportives réalisé par l’INJEP (l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire). C’est-à-dire en moyenne une fois par semaine au cours des 12 derniers mois. C’est un point de moins qu’en 2022, mais cinq de plus comparé à 2018. « Ce regain d’appétence sportive est notamment porté par l’univers de la marche et de la course à pied », est-il précisé. Retrouvez l’étude complète en cliquant ici.
- Plus le temps passe, moins les entreprises survivent – D’après la dernière enquête de l’Insee sur le sujet. À regarder avec précaution cependant car, bien que publiée en 2021, elle porte sur la période 2014-2019. Il en ressort que plus de 9 entreprises sur 10 créées en 2014 avaient survécu à leur première année d’activité. 74% d’entre elles étaient encore actives au bout de trois ans, un chiffre tombé à 61% à cinq ans. Une proportion toutefois stable par rapport à la précédente étude sur la génération d’entreprises créées en 2010. Attention : « actives » ne signifie pas forcément « en bonne santé », précise l’institut de la statistique. Ainsi, parmi les entreprises encore actives en 2019, 21% se trouvaient en difficulté et tentaient de sauvegarder leur activité.