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Moins de plastique et plus de naturel pour les terrains synthétiques
En 60 ans, le gazon synthétique a quelque peu révolutionné le sport en extérieur. Grâce à lui, les terrains sont praticables tout au long de l’année et l’entretien s’avère facile. Mais composé de billes de caoutchouc, il suscite des craintes pour la santé et la planète. C’est pourquoi, depuis une dizaine d’années, les fabricants développent des alternatives naturelles, à base de liège, noyaux d’olives ou maïs. D’autant que, bientôt, ils n’auront plus le choix.
[Dans le cadre de l’éducation aux médias, avec le soutien de la Région Sud, une version radio pour les lycéens]

Ils sont beaux ces terrains à l’herbe bien verte, quelle que soit la saison. Si leur teinte ne varie pas, été comme hiver : pas de doute, c’est du synthétique. On en compterait quelque 4 000 en France, qui habillent terrains de football, rugby, tennis ou encore hockey sur gazon. « Le gazon synthétique a été inventé à la fin des années 1960 aux États-Unis pour faciliter l’entretien des terrains municipaux, réduire les frais et augmenter les horaires d’accueil. Très rapidement, les fabricants en ont amélioré les capacités mécaniques pour se rapprocher du gazon naturel », explique Jean-Pierre Bailly, directeur commercial de Polytan France, branche française de la société allemande éponyme spécialisée dans les revêtements sportifs.
Objectifs atteints. Mais ce tableau idyllique a été bouleversé une cinquantaine d’années plus tard, quand les considérations écologiques et sanitaires ont pris de l’ampleur. Car les terrains, à cette époque, affichent tous dans leur composition des granules de caoutchouc. Appelé SBR, ce matériau est obtenu notamment en broyant des pneus recyclés. Des inquiétudes émergent alors quant à sa nocivité, puisqu’il contiendrait des substances toxiques potentiellement cancérigènes, notamment des métaux lourds et des hydrocarbures aromatiques (voir bonus). Face à la levée de boucliers, les fabricants ont dû développer des alternatives à base de matières organiques.

Place au naturel
Liège, noyaux d’olives concassés, rafles de maïs, paillettes de bois : ces matériaux garnissent aujourd’hui la majorité des nouveaux terrains synthétiques. Ils viennent recouvrir une couche de sable pour apporter du confort à la pratique – bien que certains ne contiennent que de cette poudre dorée.
Chacun présente des points forts et des points faibles. Le liège, premier à avoir fait son apparition, est le plus répandu aujourd’hui et se révèle le plus souple. Le hic : il devient rapidement compact, si bien qu’au bout d’un à deux ans, il faut réapprovisionner le terrain. À l’inverse, les noyaux d’olives apportent plus de fermeté, mais une maintenance moins coûteuse.
Dernier arrivé sur le marché : l’épi de maïs, et plus précisément sa partie centrale, la rafle. « Il combine la robustesse de l’olive et la souplesse du liège. Mais c’est encore tôt pour dire que c’est la solution miracle, même s’il nous apparaît comme l’alternative la plus pertinente », glisse Alexis Teytaut, directeur commercial de France de Tarkett Sports, groupe français spécialisé dans les revêtements de sols. Le recul manque en effet puisque le premier terrain à en être rempli a été posé en 2023. Un enthousiasme que ne partage pas Jean-Pierre Bailly. « Nos tests s’accompagnent de doutes sur la qualité, notamment car la rafle gonfle au contact de l’eau. En cas de fortes pluies, elle est donc emportée et s’évacue des terrains. Ça risque d’être un produit compliqué dans le temps », estime-t-il. Les paillettes de bois lui semblent l’alternative naturelle cochant le plus de cases.
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Des déchets, mais pas que…
Le problème est qu’il faut les faire venir des États-Unis. Les paillettes de bois sont en effet produites outre-Atlantique, à partir de pins issus de « forêts gérées ». « Faire pousser des arbres pour les couper peut paraître aberrant. Mais cela permet d’avoir une production biosourcée, réalisée dans les meilleures conditions puisque l’on maîtrise la chaîne de fabrication de A à Z. Alors qu’en partant d’un déchet, il est plus difficile d’obtenir une matière première secondaire de qualité », souligne Jean-Pierre Bailly. Par contre, le transport fait grimper l’impact carbone des terrains qui en sont garnis.
Or ce n’est pas le cas avec les noyaux d’olives et la rafle de maïs, dont les fabricants arrivent à se fournir en France. Idem pour le liège, même s’il vient surtout du Portugal et de l’Espagne, la péninsule ibérique concentrant environ 70% de la production mondiale. Il s’agit pour les premiers de déchets, et pour le second de chutes de fabrication.

Pas de solution miracle
Côté tarifs, à l’investissement, le coût est peu ou prou identique que le garnissage soit en liège, noyaux d’olives, maïs ou paillettes de bois. Mais supérieur aux billes de caoutchouc, de l’ordre de deux à trois euros le mètre carré selon Polytan – sachant qu’un terrain de football, par exemple, a une superficie de 7 000 m². La différence se joue surtout sur le long terme, en raison de la maintenance. Et c’est le liège qui se révèle le plus onéreux, du fait de son remplissage plus fréquent. Concernant l’entretien, « les protocoles sont similaires au quotidien. On recommande des brossages hebdomadaires des surfaces pour que le granulat soit homogène et que le brin se maintienne droit le plus longtemps possible », indique Alexis Teytaut.
Reste que, comparé au SBR, le constat est sans appel. « Les solutions organiques ne contiennent pas de produits chimiques, sont renouvelables et biosourcées, mais elles n’offrent pas le même confort de jeu que les élastomères (ndlr : polymères de caoutchouc), sont plus chères et moins faciles d’entretien », résume Jean-Pierre Bailly. La solution idéale n’existe donc pas… pour le moment. « On est constamment à la recherche de nouvelles matières qui répondent à tous les critères », ajoute-t-il.
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Encore des progrès à faire
La question du choix entre SBR et matériaux organiques ne se posera bientôt plus. À partir d’octobre 2031, les remplissages à base de microplastiques seront en effet interdits dans les terrains de sport synthétiques. La Commission européenne a adopté cette mesure à l’automne dernier (bonus). Ce qui ne changera pas beaucoup la donne en France. « Sur les 200 terrains qui sortent de terre chaque année, à peine 10% contiennent des billes noires (ndlr : du SBR). Alors qu’en 2017 encore, 95% se faisaient encore avec », précise Alexis Teytaut.
Si la révolution est donc déjà actée côté garnissage, cela ne fait pas pour autant des terrains synthétiques des terrains écologiques. « Le sujet est bien plus vaste : il faudrait notamment réviser les process de fabrication et convertir les usines aux énergies vertes », pointe Jean-Pierre Bailly. Le travail n’est pas terminé. ♦
Bonus
- Un risque sanitaire qui fait débat – Dans la deuxième moitié des années 2010, les billes de SBR ont généré des inquiétudes notamment quant à leur impact pour la santé humaine. Des craintes mises en lumière par une enquête du magazine SoFoot puis par l’émission Envoyé Spécial. Le ministère de l’Écologie de l’époque a alors missionné l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) de se pencher sur la question. Celle-ci a estimé, en 2018, que le risque sanitaire pour les utilisateurs est négligeable.
- La pollution plastique dans le viseur de l’Europe – La Commission européenne a pour objectif de réduire la pollution par les microplastiques de 30% d’ici à 2030. Dans cette optique, elle a adopté en septembre 2023 des mesures « qui limitent les microplastiques ajoutés intentionnellement aux produits », dont les cosmétiques, détergents, adoucisseurs textiles, engrais, jouets, médicaments… Et dont aussi les matériaux de remplissage des terrains de sport, considérés comme « la principale source de rejet dans l’environnement de microplastiques ajoutés intentionnellement ». Bruxelles affirme que ces nouvelles règles empêcheront qu’environ 500 000 tonnes de microplastiques ne se retrouvent dans la nature. Plus d’infos en cliquant ici.