AlimentationÉconomie
J’ai testé la plateforme alimentaire Santafoo
Passer des commandes via une appli depuis son téléphone puis se faire livrer est désormais un phénomène de masse. Ce qui est vrai pour les vêtements, les objets, la restauration rapide, le devient pour remplir frigidaires et garde-mangers. Une nouvelle ère de la consommation s’ouvre, dans laquelle s’inscrit Santafoo. La startup marseillaise teste son modèle depuis deux ans et vient de lever un million d’euros pour l’étendre à d’autres villes de la région.
« On ne peut plus continuer à consommer comme on l’a fait ces cinquante dernières années. Ça ne marche plus », affirme, décomplexé, Laurent Salet, fondateur et dirigeant de Santafoo. Notre conversation me renvoie à l’image du jeune Michel-Édouard Leclerc des années 1980, partant à la conquête des consommateurs avec le développement à grande échelle de centres commerciaux, à la périphérie des villes. Cinq décennies plus tard, le modèle proposé par Laurent Solet est à l’exact opposé. Le client reste chez lui. Fait son choix dans des rayons virtuels avant d’être livré à domicile.
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Lancée en 2022 à Marseille, Santafoo est donc d’abord une plateforme numérique. D’ergonomie classique et facile à utiliser. Son plus : elle source les produits proposés et flèche les producteurs de fruits et légumes, viandes, fromages… de la région, chez qui elle s’approvisionne. Elle affiche 1200 références, mise sur des produits de qualité, sélectionnés au plus près du consommateur, livrés à domicile via une logistique maîtrisée et respectueuse de l’environnement. Et mise sur les productions locales pour faire la différence. En deux ans l’entreprise s’est créé un portefeuille actif de 4 000 clients sur la ville. Ce faisant, elle est devenue une alternative crédible au supermarché classique.

Productions locales, circuit court… et décarboné
L’entreprise possède son propre entrepôt à Marseille et assure elle-même toute la logistique : repérage, achat, stockage, préparation et livraison. « Ça demande plus d’efforts, mais c’est le prix à payer pour garantir fraîcheur, traçabilité et faible empreinte carbone », explique le fondateur. Cette organisation permet aussi de réduire les marges superflues en supprimant les intermédiaires ; ce qui donne un delta pour mieux rémunérer les producteurs.

Pas question pour elle d’apposer l’étiquette “local” sur des produits importés depuis l’autre bout du pays. L’équipe a conçu une grille d’analyse précise pour évaluer chaque produit et privilégier les circuits les plus courts possibles. « Quand j’ai la possibilité d’avoir un produit au niveau local, je le prends. Sinon, je vais au régional, puis au national. Mais je garde toujours une exigence de qualité et de responsabilité. On ne veut pas faire de greenwashing », insiste Laurent Salet. Il cite par exemple la ferme de la Bazine à Lambesc, qui livre des légumes et des fruits bio, ainsi que des plats préparés.
Cette transparence est un véritable outil marketing. Car le public est de plus en plus conscient des enjeux alimentaires. En effet, 92% des Français souhaitent consommer local, mais 12% seulement y parviennent réellement affirment les enquêtes sur la consommation des ménages (ici celle menée par Ipsos en avril 2025).
Une contradiction que Santafoo entend résoudre. Parmi les découvertes récentes de l’équipe, des avocats cultivés à 30 km de Marseille. « On n’avait jamais goûté d’avocats français. Or ils sont incroyables. Il y a plein de pépites comme ça, mais comme tout est exporté, on ne sait plus ce qu’on a chez nous », déplore Laurent Salet.
Réhumaniser la relation client

Bien que 100% digitalisée, Santafoo fait le pari de « l’humain au cœur du numérique ». Au-delà du slogan il y a une vraie démarche ce sens. « On veut remettre le client au centre. Si on veut changer les choses, c’est avec lui qu’on doit apprendre », souligne Laurent Salet. Suite à sa première commande et livraison, le client est interrogé pour connaître son état d’esprit sur les produits et le service.
J’ai testé pour vous, un jour où j’avais à dîner, entre autres convives, le chef Emmanuel Perrodin. Au menu, viande de bœuf, légumes, fromages affinés et frais issus de producteurs de la région clairement identifiés sur le site. La livraison est arrivée dans le créneau horaire fixé. Un jeune homme aimable m’a remis les courses réparties dans des sacs en kraft. Emmanuel Perrodin a goûté et souligné la qualité. J’ai comparé avec les prix pratiqués dans la grande surface où je m’approvisionne normalement. Le coût était légèrement supérieur avec un comparatif délicat puisque, dans cette enseigne, si on indique bien l’origine France des produits, c’est beaucoup plus rare pour la région de production.
Participer à la révolution alimentaire en cours ?
« Le marché des courses responsables représente déjà 3 milliards d’euros. Et il ne fera que grandir », assure Laurent Salet. Après avoir testé son modèle à Marseille, il entend le déployer d’abord dans la région, avant de s’attaquer à… au-delà. Particularité de la levée de fonds lancée pour accélérer son développement : les clients eux-mêmes ont été conviés à devenir actionnaires. « Beaucoup apprécient l’idée d’investir dans un modèle auquel ils croient, qu’ils consomment déjà. On les a invités à faire partie de l’aventure. »
Sur le million d’euros récolté, 40% l’ont été via le crowdfunding réservé aux 4000 clients. Le reste est le fruit d’un recours plus classique à des fonds détenus par des Business Angels. Dans une période où les grandes enseignes sont contestées, où les consommateurs cherchent du sens, Santafoo trace un chemin qui se veut cohérent. Et pourrait bien, demain, devenir une référence de la distribution alimentaire… à échelle humaine. ♦
