ÉducationSolidarité

Par Maëva Gardet-Pizzo, le 10 juillet 2025

Journaliste

Tous Réfugiés dispense des cours de langue … et beaucoup d’amour

Au coeur de Tous Réfugiés, une dizaine de bénévoles. Comme Marie, professeure retraitée qui a trouvé ici une deuxième famille. @MD

Arrivé du Tchad en 2014, Lomta Pornaye a fondé l’association Tous Réfugiés qui vise à favoriser l’intégration des nouveaux arrivants. Une dizaine de bénévoles y donnent des cours de langues. S’y ajoutent une permanence administrative et de nombreux moments de convivialité.

Safa est bénévole depuis la création de Tous Réfugiés, en 2023. @MD

« Aujourd’hui, on va commencer avec un son que vous connaissez déjà », annonce Safa de son regard clair plein de douceur. En face d’elle, des jeunes, des moins jeunes, venus de pays divers et variés, qui ont tous en commun de démarrer l’apprentissage de la langue française. Pour Safa aussi, même si elle le maîtrise aujourd’hui à la perfection, le français n’est pas sa langue natale. Alors elle a quelques tuyaux : « Vous voyez ce carnet ? Chaque fois que j’entends un mot nouveau, je le note ». Safa est bénévole depuis la fondation de Tous Réfugiés par Lomta Pornaye, en 2023. « J’étais enseignante en Tunisie et j’avais envie d’aider ».

La porte de la salle de cours s’ouvre. C’est Lomta Pornaye justement. Quelque peu essoufflé, il a une petite annonce à faire. Une sortie en bateau à venir. Jusqu’à la Pointe Rouge. « Trente minutes de traversée. On prendra une petite glace. Un gâteau. Et puis on retourne », détaille-t-il avant de filer à grandes enjambées dans les escaliers de la maison des associations (bonus). Il rejoint une autre salle. Un autre cours animé cette fois par Marie. Enseignante en classe prépa, elle a eu, au moment de sa retraite, l’envie de se sentir « vraiment utile ».

Pour obtenir une régularisation, il faut passe le Delf. L’épreuve d’expression écrite est la plus redoutée. @MD

Un quotidien harassant

Face à Marie, le niveau de français est plus avancé. Ici, on se prépare à passer le Delf, un examen de français langue étrangère nécessaire à l’obtention d’un titre de séjour. L’épreuve est prévue pour décembre, mais certains s’impatientent. « Tout le monde va l’avoir, mais il faut qu’on ait une bonne organisation », rassure Lomta. Le travail reprend. Un exercice de rédaction. « Le Delf comporte une épreuve écrite notée sur 25, explique Marie. Si on a moins de 5 à un seul exercice, c’est éliminatoire. Et le point faible, c’est l’expression écrite. C’est là qu’on doit le plus travailler ».

En ce mercredi après-midi, répartis entre plusieurs salles et plusieurs groupes de niveaux, ce sont environ quarante apprenants qui bénéficient des cours de Tous Réfugiés. Mustafa, à l’écriture délicate, est arrivé du Soudan où il étudiait la biologie il y a un an. Il ne parlait pas un traître mot de français. « J’ai beaucoup progressé. Et pour les démarches administratives, Lomta connaît bien les procédures, alors ça nous aide ». À ses côtés, Samira et Amina, venues d’Algérie, trouvent ici un peu de réconfort dans un quotidien éreintant où se mêlent pressions familiales et quête interminable d’un emploi pour obtenir une régularisation, quand l’absence de papier empêche justement de trouver un emploi.

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Soupape de convivialité

Le parcours migratoire de Lomta Pornaye a motivé la création de cette association. @MD

« J’ai eu un parcours migratoire qui n’a pas été facile. Et quand je suis arrivé ici, l’intégration comme étudiant n’a pas été simple non plus », se rappelle Lomta. Pour trouver sa place, il s’investit dans de nombreuses associations locales : Coup de pouce aux migrants, l’Afev… « J’ai appris à soutenir, accompagner, aider tous les migrants sans distinction. J’ai transformé pour parcours personnel en un projet collectif ». Un projet collectif qui se veut aussi convivial. Essentiel pour faire barrage au sentiment de solitude qui pèse souvent sur les nouveaux arrivants. « On fait beaucoup, beaucoup la fête chez Tous Réfugiés », assure de son immense sourire Lomta. Et de nombreuses sorties.

De quoi rendre plus douce la vie des réfugiés. Mais aussi celle des bénévoles. « Ici, j’ai trouvé une chaleur humaine exceptionnelle », insiste Marie. « On se sent tellement bien. Comme dans une famille. Il y a énormément d’empathie, de solidarité. Quand je travaillais en lycée, personne ne voulait effacer le tableau. Ici, ils veulent tous le faire. Ils se mettent en quatre pour nous ».

Alors forcément, les discours xénophobes ont du mal à passer ici. « Ces gens ne vivent pas dans la réalité. Ils sont derrière leur écran », observe Lomta. Et Marie de renchérir : « Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ils n’ont aucune idée de la richesse du parcours de ces personnes ».

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Une progression rapide et beaucoup d’ambition

Quelqu’un entre. C’est Ahmed Heddadi, adjoint au Maire en charge de la vie associative. « Lomta Pornaye apporte son expérience de vie, il tend la main à des gens qui sont passés par la même chose que lui. C’est cela qui fait la différence ».

Lorsque Tous Réfugiés été créé, se rappelle Safa, « il y avait plus de bénévoles que d’apprenants ». Les choses ont bien changé. L’association compte 950 adhérents. Une dizaine de bénévoles. Et tous les lundis et mercredis soir, une quarantaine d’apprenants font le déplacements. « On est obligés de refuser certaines inscriptions », explique Lomta. Et les cours pour enfants ont dû être supprimés.

L’association est donc constamment en recherche de bénévoles. Pour assurer des cours de français (que l’on soit expérimenté ou non sur le sujet). Pour donner un coup de main en communication. Ou encore pour proposer des ateliers socioculturels … Et son président ne manque pas d’ambitions. « Ce serait super de pouvoir salarier des gens et avoir notre propre local. Et puis, pourquoi pas aller à l’international », se projette-t-il alors que les cours du jour prennent fin. Mais pour lui, la journée n’est pas finie. Ce soir, il animera comme plusieurs fois par semaine son live sur TikTok, cette fois sur le thème de la demande d’asile. ♦

Mustafa, Amina et Samira. @MD

* La Criée, théâtre national de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

Bonus

# Cours et permanence – Les cours de français se tiennent chaque lundi et mercredi à la Maison des Associations de 18h à 20h. S’y ajoute le samedi une permanence administrative le samedi. Contact : [email protected]

# La Maison des Associations – Géré par la Ville de Marseille, ce lieu met à disposition (contre une adhésion modique) des associations marseillaises de nombreux espaces: salles de réunion, de coworking, de conférence … S’y ajoute un panel de services. On trouve également dans le hall de la Maison des Associations un grand mur d’annonces pour devenir bénévole au sein d’une myriade d’associations.

# Partenariats – L’association travaille de concert avec de nombreuses consœurs qui œuvrent également pour l’accompagnement des personnes exilées. Par exemple Kipawa, Singa … Mais aussi Benevova.