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Par Paola Da Silva, le 29 juillet 2025

Journaliste

Un Meuble Unique en volets et châssis de fenêtres

[je recycle, tu surcycles, ils valorisent – #11]

Davantage qu’un simple meuble. Deux artisans ébénistes nantais, Erwan Baron et Sébastien Poussielgue, se sont associés en 2023 pour créer « Le Meuble Unique » : du sur-mesure à partir de tasseaux de bois issus du recyclage de volets et châssis de fenêtres, autrefois destinés à être incinérés ou enfouis. De l’upcycling pour du mobilier qui se veut à la fois esthétique et durable.

Ébénistes-menuisiers indépendants, ils se côtoyaient depuis près de cinq ans. Mais tous deux caressaient l’envie de travailler à partir de matériaux récupérés. « Un appel à solutions lancé en 2023 par la région nous a réunis et fait créer, ensemble, Le Meuble Unique* . Et nous l’avons remporté », raconte Erwan Baron, l’un des deux associés.

« L’idée était de trouver une solution pour une offre à partir de bois massif venu de châssis de fenêtres et de volets, transformés en tasseaux. » Du bois récupéré dans des centres de tri, mais qui, du fait de la présence de peinture ou de vernis, était destiné à l’enfouissement ou à l’incinération. « Notre proposition de création de mobilier sur-mesure a alors retenu l’attention. Nous avons remporté l’appel à projets et les 20 000 euros qui allaient avec. Et cela nous a permis de suite de créer de nouveaux partenariats. »

Sébastien Poussielgue et Erwan Baron, associés et fondateurs de la société. © Le Meuble Unique

Insertion + upcycling = boucle vertueuse

Si, au départ, les deux associés devaient mener eux-mêmes l’étape de dépollution du bois, ils la délèguent aujourd’hui à une Entreprise à But d’Emploi (EBE) située en Mayenne, « Val’orisons 53 ». « Nous passions énormément de temps à « nettoyer » le bois, puisqu’il fallait le raboter, enlever les pointes, clous et vis à la main, détaille Erwan Baron. L’arrivée de l’atelier mayennais nous fait gagner beaucoup de temps. Ils nous vendent les tasseaux dépollués à l’unité, calibrés à la demande. »

L’entreprise à But d’Emploi fait partie d’initiatives en lien avec les Territoires Zéro chômeur, dont le but est de lutter contre le chômage de longue durée et de favoriser une inclusion sociale active. « Nous sommes ravis de faire travailler cette structure en plus de notre démarche d’upcycling. Cela crée une boucle réellement vertueuse ».

Les tasseaux de bois massif sont livrés dépollués. Les ébénistes peuvent alors les assembler pour créer du mobilier. © PDS et Charles HD

825 kilos de bois sauvés pour un projet

Aujourd’hui, Le meuble Unique (sur ce nom, lire bonus) travaille principalement pour des clients professionnels : hôtels, collectivités… Les meubles sont variés, puisque sur-mesure, et vont du mobilier d’accueil à la station de jeux vidéo sur roulettes. Les cahiers des charges sont souvent précis, allant même parfois jusqu’à contenir des plans d’architectes.

« Nous aimerions travailler plus souvent avec des bibliothèques et médiathèques de communes. Nous l’avons déjà fait pour deux villes de l’agglomération nantaise qui changeaient de mobilier, à Orvault et Couëron ». À Couëron justement, la demande était de créer plusieurs meubles dont une « cabane » pour enfants (Cf. photo de une). « Ce projet-là nous a permis de revaloriser 435 fenêtres, puisque nous avons utilisé 870 tasseaux. Soit environ 825 kilos de bois sauvés ! »

♦ Relire : La Bois’cyclerie fait cas de tout bois

Pas de compromis sur la robustesse

L’activité de la jeune entreprise se développe surtout par le bouche-à-oreille. « Nos retours sont positifs. Nous expliquons que nos meubles sont plus chers que du mobilier de catalogue, mais qu’ils sont en bois massif. C’est durable, de l’ordre de plusieurs dizaines d’années. Nous nous positionnons à l’opposé de la fast déco, on ne fait pas de compromis avec la robustesse. »

Même si les deux associés souhaitent accroître leur activité le plus possible, ils ne voient pas forcément la concurrence d’un mauvais œil. « On ne parle pas vraiment de concurrence dans l’upcycling, précise Erwan Baron. Plus il y a de monde, mieux c’est. Cela crée davantage d’émulation, de sensibilisation… et de bois recyclé ! » 

Un triptyque pour jeux vidéo, créés pour deux médiathèques © Le Meuble Unique

Structurer l’upcycling, sensibiliser le grand public

L’avenir des deux associés se concentre donc sur le développement de l’entreprise et l’augmentation du nombre de projets. Mais pas que. « Nous aimerions également structurer l’upcycling et le réemploi, explique Erwan Baron. Faire de la mise en relations d’acteurs, accompagner sur des projets ou des missions, car nous avons un réseau dans ce domaine ! Ou encore offrir notre expertise à ceux qui en ont besoin ».

La sensibilisation du grand public ferait partie de leurs objectifs. « Nous aimerions casser l’idée reçue qui dit que récupération = moindre qualité. L’upcycling permet l’usage d’une matière première noble et robuste. C’est qualitatif, esthétique et durable. On prouve avec Le Meuble Unique que ça fonctionne, et qu’on a un impact positif. Pour nous, tous les voyants sont au vert pour l’upcycling. » ♦

*Le nom de l’entreprise Le Meuble Unique est, bien sûr, lié à l’offre sur-mesure, mais est aussi un clin d’œil au Lieu Unique, célèbre espace culturel nantais situé dans les anciens locaux de la biscuiterie LU à Nantes.