Environnement

Par Sarah Nabli, le 22 novembre 2024

Un sapin de Noël écoresponsable à Charleville-Mézières

©Service communication Ville de Charleville-Mézières

De nombreuses villes en France, comme Bordeaux et La Rochelle, ont renoncé à ériger de grands arbres de Noël sur leurs places principales pour des raisons écologiques. Charleville-Mézières, dans les Ardennes, a préféré opter pour une démarche locale et écoresponsable en choisissant son sapin à quelques kilomètres seulement. Le conifère a été coupé le 5 novembre dernier dans une zone Natura 2000.

La scène est déjà féérique, à quelques semaines de Noël, au cœur de la forêt domaniale de Château-Regnault. Enveloppé dans le brouillard automnal, cet épicéa au tronc chocolat  apparaît majestueux du haut de ses 20 mètres. Dûment sélectionné, il va trôner sur la place Ducale pendant les fêtes de fin d’année. Autour du sapin, les agents municipaux s’affairent, tronçonneuses en main, tandis qu’une grue se prépare. Les derniers ajustements sont peaufinés pour maintenir ce géant de cinq tonnes bien droit lors de la coupe, à l’aide de chaînes. Le spectacle peut commencer. <!–more–>

Un Noël écoresponsable à Charleville-Mézières avec des sapins locaux 1
©Service communication Ville de Charleville-Mézières

Une démarche durable en harmonie avec la nature

Depuis trois ans, cette commune de la région Grand Est a décidé de couper elle-même son sapin de Noël. Elle opère directement dans ses forêts ardennaises, à une vingtaine de kilomètres, délaissant ainsi les coûteux résineux achetés auparavant en pépinières vosgiennes, pour 14 000 euros. Désormais, ce sont deux grands épicéas et un millier de petits arbres issus des forêts locales qui décoreront la ville et son marché de Noël. Et pour 1 500 euros seulement.

En plus d’économies significatives et d’une empreinte carbone réduite, ce choix s’inscrit dans une démarche écoresponsable. Car l’épicéa n’a pas été choisi au hasard, mais dans le cadre d’un partenariat entre l’Office National des Forêts (ONF), le Parc Naturel Régional des Ardennes, et la ville de Charleville-Mézières. « Les deux grands sapins sont prélevés en forêt domaniale et offerts par l’ONF. Les plus petits proviennent du PNR du bois d’Harcy. Bien que certains aient leurs imperfections, ils incarnent parfaitement l’esprit de Noël ardennais. Cette démarche valorise notre patrimoine naturel avec des arbres qui auraient de toute façon été coupés dans le cadre d’une gestion forestière durable », explique Guillaume Maréchal. Conseiller municipal et président du PNR des Ardennes, il est à l’origine de cette initiative.

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Préserver les feuillus, protéger les oiseaux

Pour la petite histoire, les épicéas ont été plantés dans les Ardennes après chacune des duex guerres mondiales. Ils étaient destinés à reboiser un territoire dévasté, où de nombreux arbres avaient été abattus pour satisfaire une forte demande en bois. Désormais, le massif forestier du nord du département s’étend sur plus de 75 000 hectares. Il fait partie d’une zone Natura 2000, consacrée en grande partie à la préservation des oiseaux.

« Notre priorité est de maintenir et préserver les forêts de feuillus endémiques. Composées de chênes et de hêtres, elles abritent des espèces protégées comme la cigogne noire, le pic noir ou la chouette de Tengmalm. Les épicéas, eux, poussent rapidement en hauteur et, avec leurs ombres, freinent le développement des feuillus. En prélevant ces sapins, notamment les plus jeunes, nous favorisons la croissance des espèces locales », précise Julie Baudoin, chargée de mission Natura 2000 au PNR des Ardennes.

Un Noël écoresponsable à Charleville-Mézières avec des sapins locaux 3
Respecter l’habitat des espèces protégées comme la cigogne noire ©Pixabay

La sélection du grand sapin a pris du temps. Les agents de l’ONF et les élus ont parcouru plusieurs kilomètres de forêt au début de l’automne pour trouver l’arbre idéal. Celui-ci devait répondre à plusieurs critères : être accessible pour les camions et les grues, tout en ayant une silhouette suffisamment fournie. Mais aussi être isolé, pour éviter d’avoir à élaguer d’autres arbres. Surtout, il est en bonne santé, alors que le peuplement de résineux subit ici les attaques d’un coléoptère, le scolyte typographe.

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Un transport de sapin spectaculaire pour marquer le début des fêtes

Une fois coupé, une grue soulève soigneusement l’épicéa et le charge sur un camion, en route vers la place Ducale. Le convoi exceptionnel traverse des villages encore noyés dans le brouillard ardennais, sous les regards émerveillés des habitants. « L’arrivée du sapin marque le début des fêtes de Noël, c’est magique ! » s’enthousiasme une retraitée.

Un Noël écoresponsable à Charleville-Mézières avec des sapins locaux 2
©Service communication Ville de Charleville-Mézières

La démarche valorise toute une filière forestière locale. La ville, de son côté, met également en avant ses agents municipaux. Alexandre Cheru, 28 ans, adjoint technique aux espaces verts, a eu la lourde responsabilité de couper le conifère. « C’est le plus beau et le plus important chantier de l’année pour nous. On peut dire que c’est notre cadeau de Noël avant l’heure », confie-t-il avec un sourire, tronçonneuse en main. « Ce travail exige des compétences techniques : ce n’est pas une simple coupe en forêt. Il faut veiller à ne pas casser de branches et respecter l’environnement. Mais aussi garantir la sécurité des personnes alentour ». Et son travail ne s’arrête pas là.

À Charleville-Mézières, l’installation de l’arbre se révèle tout aussi délicate. La grue doit le placer dans un trou de 1,50 mètre de profondeur. Alexandre Cheru procède aux derniers ajustements en retaillant le tronc pour qu’il s’insère parfaitement. Il ajoute ensuite des cales de bois autour du sapin pour le stabiliser face aux vents. Le roi des forêts trône désormais au centre de la place Ducale, prêt à être paré de ses habits de lumière. La décoration se poursuivra dans les jours à venir, jusqu’à l’inauguration officielle du marché de Noël, le 23 novembre. ♦