Environnement
Une start-up s’attaque aux moustiques tigres par la racine
Clélia Oliva, chercheuse et fondatrice de Terratis, a développé une technique qui permet de diminuer considérablement la population des moustiques tigres par l’introduction de mâles stériles. Une fois fécondée, la femelle seule piqueuse, pond des œufs infertiles. Le dispositif réduit le risque d’être piqué et donc d’attraper les maladies que peut véhiculer l’insecte parasite.
« Merci ! ». C’est le cri du cœur de beaucoup d’entre nous, humains, victimes de piqûres de moustiques tigres quand viennent les beaux jours. Des remerciements adressés à la jeune start-up montpelliéraine Terratis. Sa fondatrice, la chercheuse Clélia Oliva, planche depuis des années sur une solution efficace qui n’éradique pas l’insecte invasif, mais diminue considérablement sa population.
Par ricochet, les risques d’être piqués sont réduits. Et tout autant ceux d’attraper les maladies virales qu’Aedes albopictus – nom officiel du parasite – peut potentiellement transmettre. Entendre par là : le chikungunya, la dengue et le virus Zika. La technique développée par la chercheuse consiste à introduire des moustiques tigres mâles stériles parmi leurs semblables qui végètent dans quasiment tous les départements français.
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Ces mâles, que la start-up Terratis élève dans ses fermes, vont ensuite s’accoupler avec les femelles, les seules à infliger la piqûre dans ce couple maudit. Leurs œufs, privés de la bonne semence du père, seront alors vides, infertiles. Et ainsi, aucune autre future piqueuse ne sortira de cette portée pour contrarier la peau sensible des bipèdes que nous sommes.
Une technique durable et écologique puisque sans utilisation de pesticide
Terratis est la première entreprise française à industrialiser la technique de l’insecte stérile (TIS). Sa fondatrice avait fait de ce sujet sa thèse pour le compte de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) avec comme terrain d’observation l’île de la Réunion. « Cette technologie permet de diminuer les progressions de moustiques durablement c’est-à-dire de façon écologique car sans utilisation de pesticide. Son action est sur le long terme – car on ne crée pas de résistance – et à grande échelle », explique Clélia Oliva.
Le moustique tigre a pour habitude de s’installer dans les jardins des particuliers qui regorgent de points d’eau favorables à sa prolifération. En relâchant des mâles stériles par quartier pour engendrer des pontes infertiles qui évitent toute descendance, on limite la multiplication de l’insecte et à terme sa présence.
« Nous avons observé une diminution à minima de 60% de la fertilité sur la première année d’intervention. Et jusqu’à 90%, la deuxième année », observe la chercheuse. Elle souligne que la solution doit être appliquée en continu chaque année, sans quoi les moustiques reviendront à la charge.
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Des collectivités, syndicats de copropriété et aéroports intéressés

Développé dans un premier temps en laboratoire, le procédé a été validé avec succès en 2021 à l’échelle d’un quartier d’une vingtaine d’hectares sur l’île de la Réunion, où le moustique tigre est très présent. « D’autres pays comme l’Italie ou l’Espagne ont utilisé ce dispositif sur 100 hectares de surface urbanisée et l’ont approuvé », soutient Clélia Oliva.
La chercheuse a rejoint l’incubateur Business & innovation centre de la Métropole de Montpellier pour monter et finaliser son projet d’entreprise. Elle a bénéficié de plusieurs aides dont celle de la Satt AxLr, accélérateur d’innovation. Terratis a été officiellement lancée en avril 2024. Puis, en décembre de la même année, a réalisé une levée de fonds de 1,5 million d’euros.
D’ici fin avril, la commercialisation du dispositif sera effective. Les premiers clients de la start-up sont principalement des collectivités. « Nous avons également des commandes issues du privé comme les syndicats de copropriété, les aéroports qui doivent garantir l’absence d’insectes vecteurs de maladies sur leur site », ajoute la cheffe d’entreprise. Les équipes de Terratis travaillent sur un projet industriel à très grande échelle, qui sera effectif dès 2028.
Une alternative dans la lutte contre les ravageurs agricoles et viticoles

Éradiquer complètement et définitivement le moustique tigre n’est pas possible. « Techniquement, cela impliquerait de libérer des mâles stériles sur les trois-quarts du territoire français », remarque Clélia Oliva. L’objectif est avant tout de baisser au maximum le nombre d’insectes parasites. Et ainsi, de limiter leurs nuisances et les risques de transmission de virus, véhiculés par l’Aedes albopictus.
Alternative aux pesticides, le procédé développé par Terratis permet aussi de lutter contre certains ravageurs agricoles. Notamment contre les mouches qui pondent leurs œufs dans les fruits, les rendant impropres à la vente et à la consommation. Leur impact est conséquent sur l’économie maraîchère. « Nous sommes en discussion avec les responsables des différentes filières agricoles touchées », indique la fondatrice de la start-up.
Le principe restera le même : le lâcher de mâles stériles. « Chez les insectes ravageurs agricoles, les femelles pondent et c’est cette ponte qui provoque des dégâts. Quand la descendance n’est plus assurée, ces risques disparaissent », poursuit Clélia Oliva. D’autres insectes, sortes de mites, comme le carpocapse de la pomme ou le ver de la grappe, pourront aussi être stoppés dans leur élan par la technique de l’insecte stérile. ♦