EnvironnementSanté
Vers une dialyse plus douce pour l’environnement
Traitement vital pour les personnes souffrant d’une insuffisance rénale avancée, la dialyse « traditionnelle » est gourmande en eau et électricité. Elle génère également beaucoup de déchets. Pour réduire son impact sur l’environnement, la Société Francophone de Néphrologie Dialyse Transplantation (SFNDT) a réalisé et diffusé un guide de pratiques écoresponsables en 2023. Un document dont s’inspire notamment le CHU de Nantes.
Le secteur de la santé représente à lui seul 8% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Il n’échappe donc pas à la nécessité de réduire son empreinte environnementale. C’est particulièrement vrai pour la dialyse qui permet de filtrer le sang quand les reins sont défaillants. En 2019, selon la Société Francophone de Néphrologie Dialyse Transplantation (SFNDT), ce traitement concernait plus de 50 000 patients. Qui bénéficiaient dans 90% des cas d’une hémodialyse. <!–more–>
L’hémodialyse, un traitement à fort impact écologique

Ce procédé mécanique extracorporel consiste à acheminer le sang vers un appareil pour être « nettoyé ». Il y est mis en contact avec le dialysat : un liquide très spécifique préparé à partir d’une eau purifiée par un osmoseur. Le sang « propre » est restitué dans l’organisme. Quant aux déchets et à l’eau, ils sont récupérés par le dialysat puis évacués à l’égout.
Étudiée de près par le groupe Néphrologie verte de cette la société savante, l’hémodialyse a été identifiée comme un traitement à fort impact écologique. Chaque année, pour chaque patient, 60 000 litres d’eau sont nécessaires, soit l’équivalent de la consommation annuelle moyenne d’un Français. Mais aussi 2543 kWh d’électricité, soit environ la moitié de la consommation d’un foyer. Et 256 à 390 kg de déchets sont générés. C’est la raison pour laquelle la SFNDT a élaboré en 2023 un « Guide des bonnes pratiques de la dialyse verte », pour l’heure focalisé sur l’hémodialyse en centre. Il est destiné aux unités de dialyse qui sont invitées à s’en inspirer.
Réduction des émissions de GES au CHU de Nantes

Au CHU de Nantes, par exemple, ce document a généré une vraie dynamique. « Cela fait déjà quelque temps qu’on se rend compte qu’il y a des points d’amélioration, explique le Dr Clément Deltombe, néphrologue dans l’établissement. On a eu des réunions avec d’autres médecins partout en France pour s’améliorer, notamment en matière de gestion des déchets. L’idée étant de ne plus diriger les tubulures à usage unique permettant la circulation du sang vers la filière DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) mais de les jeter avec les ordures ménagères. » Ce que permet la législation, devenue moins restrictive.
« Cette redirection des déchets a un intérêt économique et écologique ». L’évacuation d’une tonne de DASRI coûte en effet 690 euros hors taxes, quand celle de DAOM (déchets assimilables aux ordures ménagères) en coûte 270, selon Carole David, cadre de santé dans l’unité d’hémodialyse chronique/aigüe du CHU de Nantes. « Et un camion peut transporter trois fois plus de DAOM compactés que de DASRI compactés. Ce qui fait trois fois moins d’émissions de GES.»
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Rassurer pour fédérer

Pour y parvenir, « il a fallu déconstruire des représentations parce que les équipes sont très marquées par le risque lié au sang contaminé », précise-t-elle. « On a dû notamment convaincre les manutentionnaires qui sont en première ligne et leurs supérieurs hiérarchiques, par les connaissances médicales », prolonge le Dr Deltombe.
Des modifications ont été présentées à la direction. Des questions de logistique ont été résolues. Puis l’équipe a démontré que le dispositif imaginé fonctionnait bien à petite échelle avant de le généraliser. Résultat : le service est passé de 32 tonnes de DASRI en 2023 à 7 tonnes en 2024. « Le virage a été pris en un mois et aujourd’hui c’est totalement acquis. On nous demande même de passer à une autre étape ! » se réjouit Carole David.
Une réflexion en cours sur l’eau
Cette organisation a d’ailleurs été mise en place également en dialyse pédiatrique, où l’activité est moindre. Une réflexion est lancée sur le recyclage d’autres déchets. Une autre sur l’eau, à plus long terme, puisqu’elle est liée au déménagement du CHU dans de nouveaux bâtiments fin 2027. « Le déclic, là aussi, a été le changement des recommandations quant au risque infectieux en 2023, retrace le Dr Clément Deltombe. Mais on s’est penché sur cette question dès 2018-2019 et on a fait des propositions dès 2021-2022. Dans le nouvel établissement, une grande partie de l’eau de l’hémodialyse sera redirigée vers les sanitaires des bâtiments administratifs. C’est encourageant parce qu’un deuxième circuit d’eau va être créé et pourra même être étendu. On envisage aussi l’arrosage des espaces verts ou une utilisation par le service de stérilisation. C’est une eau ultra pure, d’une qualité exceptionnelle, c’est aberrant de la gâcher. »

Une problématique sur laquelle se penche également l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) via le projet REUT. Porté par le fonds Phoceo (qui a vocation à collecter des financements pour concrétiser des projets d’intérêt général portés par les équipes de l’AP-HM), il vise à « collecter, traiter et réutiliser les eaux usées des séances de dialyse de l’Hôpital de la Conception, pour un usage interne (arrosage des espaces verts, alimentation des chasses d’eau, etc.) ou une mise à disposition des collectivités pour des usages externes, comme le nettoyage des voiries », selon la Fondation de l’Eau Groupama Méditerranée qui le soutient.
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Encore de “bonnes idées” à explorer
Première étape : « la réalisation d’une étude de faisabilité qui proposera différents scénarios d’usage, conditionnant le lancement des travaux ». 150 000 litres d’eaux usées pourraient ainsi être réorientés chaque jour, soit l’équivalent de 18 piscines olympiques par an. Un projet novateur qui s’inscrit dans une démarche plus globale de dialyse verte et de transition écologique.
Comme à Nantes, où un nouvel osmoseur, du béton bas carbone ou encore des panneaux photovoltaïques sont envisagés. « Demain, ce sera bien, conclut Carole David, mais c’est trop loin. L’équipe a vraiment envie d’avancer et c’est très prégnant au sein de notre société savante qui nous apporte la sécurité. On peut aussi s’appuyer sur les expériences menées ailleurs, notamment au CHU de Vichy qui a été précurseur. » Il a réduit drastiquement ses DASRI dès 2023. Et a également revu à la baisse le contenu des kits utilisés pour diminuer les déchets. « Il y a énormément de très bonnes idées qui doivent être analysées en profondeur. Pour du matériel plus écologique, la stérilisation de seringues en verre…, estime le Dr Deltombe. On a besoin de ces modèles. » ♦
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