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Team for the planet veut des entreprises écolos par nature
Confrontés à l’inaction écologique des modèles économiques traditionnels, six entrepreneurs fondent Team for the planet en 2019. L’idée est de financer des projets à impact écologique pour mieux répondre à l’urgence climatique. Et ce, sans rendement financier. À ce jour, quatorze entreprises sont ainsi financées par le collectif. À leurs côtés, des milliers de bénévoles et contributeurs s’engagent pour transformer durablement l’industrie.
Tous les six étaient entrepreneurs. Études supérieures, start-ups à succès dans différents secteurs, carrières assurées. Et puis est arrivée la prise de conscience : « L’urgence climatique est réelle, il faut agir. » D’abord en tant que simples citoyens français, en se documentant et en adaptant leurs modes de vie. Puis ce ne fut plus suffisant. « En 2019, on s’est rejoints autour de nos frustrations. Nos efforts ne contribuaient pas à vraiment changer les schémas structurants du monde dans lequel on vit, celui de l’industrie économique », présente Arthur Auboeuf, 30 ans, cofondateur de Team for the planet.
« Pas besoin d’inventer des trucs de dingue pour y arriver »

Avec Nicolas Sabatier, Mehdi Coly, Coline Debayle et Laurent Morel, ils ont la conviction que « si tu ne changes pas le monde du business, ce ne sera jamais assez. » Qu’à cela ne tienne, ils décident d’utiliser les entreprises comme un outil d’action qui permet d’agir à très grande échelle. « L’idée est de montrer qu’une entreprise peut œuvrer dans le bon sens. De penser de A à Z un modèle d’entreprise qui élargit vraiment son rayon d’action écologique », développe le trentenaire.
La graine est plantée. Il faut qu’elle grandisse. La petite équipe rencontre alors de nombreux scientifiques (notamment l’ingénieur Jean-Marc Jancovici) et les questionne : « Sur quels leviers pouvons-nous agir ? Comment adapter le modèle économique, le sortir du business-as-usual ? Comment démontrer qu’on peut être utiles et pertinents sur le terrain ? », énumère Arthur Auboeuf. Le constat est unanime : il faut transformer les schémas profonds du monde, au-delà de la sobriété déjà prônée au quotidien. « Ils nous ont prouvé qu’il suffisait de faire avec les initiatives existantes qui œuvrent déjà pour l’environnement. Et arrêter de penser qu’il est nécessaire d’inventer des trucs de dingue pour y arriver. »
Parmi les entreprises financées, Geey et CoolRoof
En connectant idées écologiques et savoirs entrepreneuriaux, les fondateurs entendent bien investir dans « une grande tirelire collective qui aide les bons projets. » Team for the Planet finance par exemple Geev – application de dons d’objets entre particuliers – ou Cool Roof qui peint les toits en blanc avec une peinture à base de coquilles d’huîtres. Cela fait baisser de 40% l’usage de la climatisation dans les bâtiments. « Ce ne sont peut-être pas les futures GAFA, mais ces entreprises sont décisives pour l’avenir de l’humanité. On considère donc que c’est bien plus important de financer celles-ci plutôt que d’autres », conclut Arthur Auboeuf.
L’objectif est de cibler les cinq plus gros secteurs émetteurs de gaz à effet de serre : l’énergie, l’agriculture, l’industrie, les transports et le bâtiment. Et de créer un modèle d’entreprise offrant aux citoyens et aux innovateurs la possibilité de contribuer concrètement à la lutte contre le dérèglement climatique.
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Le climat avant le profit

Car, selon Arthur Auboeuf, le modèle traditionnel d’entreprise constitue un frein aux innovations écologiques et tend à engendrer des effets néfastes. Leur profit se ferait « souvent au détriment des normes sociales et environnementales. » L’idée n’est pas que les investisseurs financiers obtiennent un rendement financier. Dans le monde de Team for the planet, les contributeurs reçoivent plutôt un dividende climat : cet indicateur mesure en tonnes de CO2/année évitées l’impact environnemental des entreprises dans lesquelles ils ont placé leur argent.
« On a décidé de faire un modèle entrepreneurial où nos actionnaires n’attendent aucun retour financier sur leur investissement, continue le trentenaire. Là, au contraire, ils les poussent pour qu’elles soient efficaces sur notre mission, la lutte contre le dérèglement climatique. » Avec ses collègues, ils ont également bloqué leurs salaires à cinq fois le SMIC et ne se verseront jamais davantage, peu importe le succès de Team for the planet. « En gros, on a débunké tout le bordel qu’on trouvait dangereux dans une entreprise du modèle capitaliste. On place le climat avant le profit », affirme-t-il fièrement.
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La force du réseau

En comptant sur l’effet du réseau, il est possible de faire avancer beaucoup de projets. « On s’en rend compte maintenant, ça permet de trouver un nombre infini d’idées, d’entrepreneurs… et d’argent. On a 9 000 évaluateurs bénévoles qui passent du temps sur la plateforme en ligne qu’on a imaginée. Ils nous aident à présélectionner les meilleurs dossiers – soit ceux ayant le plus fort potentiel de réduction de CO2, développe Arthur Auboeuf. Ensuite, on se réunit avec le comité scientifique et le comité d’investissement, puis on vote pour valider tel ou tel projet. »
À ce stade, le réseau est à nouveau utile pour trouver les investisseurs et le personnel nécessaire à toute entreprise sélectionnée. « Ça se fait vraiment vitesse grand V !, se réjouit le cofondateur. C’est assez hallucinant. On peut recruter des talents de dingue parce que, dans nos 125 000 actionnaires, il y en a forcément qui cherchent un boulot dans le domaine écologique. »
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Déjà plus de 43 000 tonnes de CO2 évitées
Grâce au collectif, entrepreneurs, actionnaires et chercheurs s’alignent dans cette mission commune de combat contre les émissions de gaz à effet de serre. Et Arthur Auboeuf est ravi de pouvoir proposer son alternative. Mais attention, il n’est pas question ici de crédit carbone ! Ici, l’investisseur contribue à « transformer le monde dans lequel on est pour qu’il ne soit plus carboné. Mais pas en plantant simplement des arbres et en espérant qu’ils absorbent du CO2 entre deux incendies.”

À ce jour, Team for the planet regroupe quatorze entreprises pour lesquelles un peu plus de 30 millions d’euros ont été investis. Certaines atteignent les 10 millions de chiffres d’affaires. « On a bien fait la preuve que notre concept fonctionne, que l’impact qu’on peut apporter est réel. On vient de mesurer nos dividendes climat de 2023 et ils s’élèvent à 40 000 tonnes de CO2 », annonce le cofondateur. En 2022, le collectif avait permis d’éviter quelque 3 000 tonnes de CO2. Et en 2024, il compte atteindre cette année plusieurs centaines de milliers de tonnes. Soit l’équivalent d’une année de pollution par des milliers de Français. ♦
Bonus
- Les différentes entreprises soutenues par Team for the planet : Geev, Coof Roof, Midipile, Seaturns, Arkeon Energy Systems, Crymirotech, Air Booster, ELOW, ENTENT, Shyva, Beyond the sea, Carbon Time, Leviathan Dynamics