EnvironnementMobilité
Élargir les usages des véhicules intermédiaires grâce au design
Le design pourrait-il rapprocher les véhicules intermédiaires du grand public ? Des étudiants de l’École de Design Nantes Atlantique ont planché sur cette question lors d’un hackathon de 48 heures organisé en partenariat avec l’ADEME. Ils ont imaginé de nouveaux usages pour ces véhicules encore méconnus, qui pourraient, à terme, révolutionner nos modes de déplacements.
Certains ont deux roues, d’autres quatre. Ils ne dépassent pas les 45 km/heure et tous ont pour objectif de faire changer les mentalités des automobilistes que nous sommes. Les « véhicules intermédiaires », ou « vélis », correspondent en fait à tous les véhicules de moins de 600 kg situés « entre le vélo classique et la voiture ». Si aujourd’hui seul le deux-roues motorisé s’est fortement développé sur ce segment, il existe en réalité une grande diversité de véhicules qui rentrent dans cette définition. Or, force est de constater que bien que présentant de nombreux avantages (légèreté, sobriété…) ces véhicules restent méconnus du grand public et peu utilisés.

Accélérer sur les usages
« Nous avons organisé un hackathon au sein de notre école sur ce sujet afin que les étudiants découvrent un secteur de mobilité qui bouge et ce que sont les véhicules intermédiaires ». Un hackathon ? Une compétition d’innovation qui fait appel à l’intelligence collective pour imaginer, créer et développer des solutions innovantes… Expert en design durable au sein de l’École de Design Nantes Atlantique, Jean-Luc Barassard est à l’initiative de cet événement qui s’est tenu durant deux jours fin janvier, en partenariat avec l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie).
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Les élèves ont dû travailler sur les problématiques suivantes : comment faire accepter ces véhicules “différents” dans l’espace urbain et rural ? Et, surtout, quels services est-il possible d’imaginer autour ? Quels nouveaux usages ?
Les formations ont été mélangées afin d’avoir une vision la plus neuve et la plus complète sur ces sujets. Ainsi, des étudiants en transport ont fait équipe avec d’autres, engagés dans des filières dédiées aux médias, au digital, à la ville ou encore à l’innovation et la stratégie. « Il y avait une volonté d’avancer concrètement sur les usages, car on voit qu’identifier les services rendus par ces véhicules va les rendre plus désirables. Une autre des questions posées concernait le smartphone. Ces véhicules « sobres » sont peu équipés en électronique. Dans ce cadre, quel pourrait être l’apport de l’utilisation du smartphone ? »

Six entreprises de l’ouest partenaires
Afin de rendre les avancées plus concrètes, six entreprises de l’ouest de la France engagées dans le domaine des « vélis » ont été associées au hackathon. Chacune devait manager une équipe d’étudiants sur une problématique l’impactant directement. « Il y a une vraie dynamique économique dans l’ouest autour de cette thématique », pointe Jean-Luc Barassard. Cinq des six entreprises font partie de l’Extrême Défi de l’ADEME. C’est notamment Humbird, basée à Nantes, qui a conçu et produit le Woodybus (véli qui permet de transporter huit écoliers). Ou encore Siam, dans le Maine-et-Loire, qui développe la marque B C’Cool (conception et fabrication des mobiliers vélos à partir de matériaux de réemploi).
Les chefs d’entreprises ou cadres présents ont tous été surpris des échanges avec les étudiants. « C’est hyper intéressant, raconte Samuel Berthelot, directeur général de la société Humbird. Leur manière de travailler en mode multi-projets avec une variété de compétences apporte beaucoup. Ils utilisent des mots qu’on ne connaît pas ! Leur vision nous permet également de mieux intégrer les enjeux sociétaux et environnementaux à nos projets. » Même son de cloche pour Michael Bezard, directeur innovation et process chez B C’Cool dans le cadre de l’Extrême défi. « C’est la première fois que je participe à un hackathon. Je n’avais pas d’attente, mais ce n’est que du positif, j’apprécie d’être connecté aux étudiants. Notamment avec ceux-là, glisse-t-il en souriant. Ça fait du bien de réfléchir avec des cerveaux différents des autres ! »

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En face à face avec des problématiques concrètes
Quant aux étudiants, ils apprécient de se frotter à des problématiques réelles de terrain. « C’est vraiment intéressant. Je connaissais déjà le produit, j’avais envie de travailler dessus, car je pense que son utilisation peut être pertinente dans beaucoup de communes », expose Emma, étudiante de troisième année, membre du groupe de travail sur le Woodybus.
Les étudiants ont d’abord imaginé trois concepts tous ensemble, parmi lesquels l’entreprise a choisi de retenir « développer une communauté d’usagers ». « On les a nommés les « woodies ». On a réfléchi à tous les nouveaux usagers qui pourraient être intéressés. Ensuite nous avons pensé et dessiné un scénario d’usage, puis proposé des pistes de business, idéations et créations visuelles. »

Tant de choses encore à imaginer
Après une journée et demie de travail intensif, chaque groupe d’étudiants a dû présenter son projet final aux entreprises, à l’équipe pédagogique, ainsi qu’aux ingénieurs de l’ADEME. Parfois avec un peu de stress. Et pourtant, le bilan est positif.
« Malgré une présentation orale un peu ratée, les étudiants m’ont permis d’imaginer une nouvelle offre pour l’entreprise », raconte Damien Subit. Le président de la société Tenkey développe notamment des « side bags » s’adaptant sur tous les vélos, en alternative aux vélos cargos actuels. « L’idée retenue consiste à proposer une petite flotte de vélos avec side bags (sacoches de vélo – Ndlr) en location dans une copropriété en boucle fermée. Leur offre résout certains des problèmes techniques que nous rencontrions, sur un segment de marché désormais bien déterminé. Et nous avons eu le temps d’élaborer ensemble une plateforme de réservations, un projet de financement et un parcours utilisateur détaillé. ». Reste désormais à l’entreprise de démarcher les futurs acheteurs (bailleurs…) sur cette nouvelle offre.
Johana Casallas, ingénieure mobilités dédiée aux véhicules intermédiaires est également enthousiaste sur le travail effectué. « À l’ADEME, nous travaillons au quotidien avec les constructeurs de vélis, et on a du mal parfois à prendre du recul et à s’adapter aux vrais besoins des utilisateurs potentiels. Quelle distance sont-ils prêts à parcourir par exemple ? Comment peut-il être stationné ? Comment les usagers ont-ils besoin d’échanger entre eux ?… Or, les propositions des étudiants sont en lien direct avec l’usage. Des usages qu’ils ont rendus parlants pour le grand public via leur travail visuel. Les étudiants ont en effet réalisé un vrai exercice de storytelling via l’image et la communication sur les améliorations apportées projet par projet, qu’on comprend tout de suite. À nous désormais d’entamer les échanges avec le grand public. »
Ce hackathon, qui a parfois pu prendre la forme d’un marathon, a emballé les participants, et pourrait donc n’être qu’une étape. « J’aimerais beaucoup que nous puissions le refaire, appuie Johana Casallas. Il reste plein de choses à imaginer autour de ces véhicules intermédiaires. » ♦
♦ Et relire : À l’école, oui, mais en vélo-bus !
Bonus
Visionner le teaser du documentaire en 20 épisodes sur les véhicules intermédiaires « la nouvelle aventure mobile » créé par l’Extrême Défi de l’ADEME.