Société

Par Nathania Cahen, le 9 avril 2024

Journaliste

Métisser l’artisanat enrichit l’ouvrage !

Collaboration pour Partisan.e.s entre la céramiste Florence Lucchini et Candice Aubert Dhô, artisane d'art textile (Cosy Jungle) @CandiceAubertDho
L’artisan d’art évolue souvent dans son petit monde, sans songer à se mélanger à d’autres ou, souvent en avoir l’opportunité. C’est ce qu’avait observé la Marseillaise Caroline Victor, gagnée par l’envie de rassembler les uns et les autres – surtout les unes. Elle a donc créé l’événement Partisan.e.s qui connaît  sa deuxième édition : 94 créatrices et créateurs du Sud, engagés mains et âme dans la réalisation de 55 objets collectifs.

Son idée a mûri au soleil de Marseille : susciter la rencontre pour créer des duos ou des trios artisans, les amener à réfléchir ensemble sur un objet inédit qui intégrera leurs compétences respectives, partager les processus de création, puis de fabrication. Et documenter le tout étape par étape. « Un système bienveillant, qui s’inscrit dans un système concurrentiel », ajoute Caroline Victor, qui baptise son projet Les Partisan.e.s.

Une première édition en 2023 a rassemblé 42 créatrices et créateurs aux matériaux de prédilection divers : métal, verre, céramique, textile, bois, papier… De leurs collaborations inédites ont surgi quinze objets. Quinze pièces uniques.

Une contrainte : s’inscrire dans un lieu donné

Des collaborations pour enrichir la création artisanale 1
Collab Cosy Jungle et Florence Lucchini ©Partisan.e.s 2024

Cette année encore, tous se sont rencontrés courant janvier pour se présenter, échanger, lier connaissance. Puis se choisir, s’associer et s’engager sur la création d’objets collectifs (à quatre mains au moins). Les participants sont libres de créer l’objet de leur choix, à partir de quelques consignes énoncées au début du processus. Objet collectif, il doit aussi être écoresponsable et réalisé avec soin.

Surtout, la création doit s’inspirer de l’Annexe, une location saisonnière sur le port de pêcheurs de la Madrague de Montredon, à Marseille. De cette destination, lieu de villégiature qui accueille des voyageurs. De sa géographie et de ses couleurs. Et, enfin, de ses valeurs – générosité, inclusion et bienveillance. S’en inspirer et s’y intégrer.

Valoriser le travail manuel

Métisser l'artisanat enrichit l'ouvrage !
Caroline Victor a imaginé Les Partisan.e.s ©Marina Germain

« Ce processus est l’occasion, à partir de la création d’un objet commun, d’apprendre des autres métiers d’art, de leurs matières, techniques, possibilités, contraintes et poésies respectives. C’est aussi un espace privilégié pour être à plusieurs, quand tant de créatrices et créateurs sont souvent seuls dans leur atelier toute l’année. Enfin, c’est l’occasion, pour beaucoup, de se dépasser, d’essayer un geste nouveau, de se confronter à une matière ou technique encore non explorée, de continuer à se former, dans un mouvement collectif et bienveillant », développe notre amoureuse de la belle ouvrage.

La création est le fruit d’une collaboration respectueuse entre des personnes, leurs métiers, techniques et matières. Elle est appelée à partager harmonieusement l’espace proposé avec les autres objets collectifs réalisés dans le cadre des Partisan.e.s.

En 2024, la deuxième édition avec 94 créateurs

Des collaborations artisanales pour enrichir la création 1
Une lampe inédite, cosignée Aurélie Benoit, Laurence D’Alvia et Marie Gendre © Les Partisan.e.s 2023

Cette fois, 94 créateurs du Sud se sont engagés mains et âme dans la réalisation de 55 objets collectifs. De ce précieux vivier, 27 travaillent la céramique et 10 le bois. 20 viennent du textile (couture, upcycling, tissage, broderie, tufting…). 16 pratiquent le graphisme (dessin, peinture, encre…). 4 prisent le métal, 3 le verre et autant le papier… Il y a des artisans d’art, des artistes purs, des designers et des décorateurs d’intérieur.

Les objets tout juste créés sont les fruits de riches rencontres entre des personnes, des matières, des techniques et des univers singuliers… Verre soufflé et matières vivantes, céramiques illustrées, émaux issus de cueillette dans la Nature, mariage entre pierres et rouille, dialogues entre bois et métaux, tissus, terres… écrins de cuir, pièces anciennes et pièces contemporaines mêlées.

Sculptures, totems, vaisselle, meubles, luminaires, parures de mur, de corps et de lits, carnets, et autres objets… seront en vente dès l’ouverture de l’exposition, auprès de leurs créateurs. L’association Réseau le Bunker fera le lien, quand nécessaire, avec les clients. Certaines productions resteront à l’Annexe, pour enrichir par exemple sa « céramithèque ». D’autres poursuivront leur vie ailleurs. Après le mois d’avril, les objets collectifs de cette seconde édition seront visibles sur le site de l’Annexe.

L’inauguration a lieu mardi 9 avril entre 19 et 21h. L’Annexe sera ouverte aux publics : mercredi 10, jeudi 11 et vendredi 12 avril entre 14h et 20h et samedi 13 avril, entre 10 et 15h. Pour le reste du mois d’avril, l’exposition est visible sur rendez-vous.

Aurélie Benoit, une Partisan.e de la première heure

Métisser les artisanats enrichit l'ouvrage !
En 2023, Aurélie Benoit a conçu pour l’Annexe cette tête de lit textile ©DR

La créatrice textile de la marque Collècta, qui customise le linge de maison de ses élégants motifs appliqués, figure au nombre des pionnières. Aurélie Benoit revient sur cette aventure, « une très belle expérience sur le plan humain et créatif ». Lors de la première édition, elle s’est impliquée dans deux projets collaboratifs. Le premier à six mains : un abat-jour réalisé avec la céramiste Laurence D’Alvia (Fille de lune) et la tapissière Marie Gendre (Les Sièges de Marie). « Nous ne nous connaissions pas, nous nous sommes rencontrées le jour de la présentation du projet. En discutant de nos idées. » Ensuite le temps, elles l’ont trouvé, et nourri de leurs envies et savoir-faire.

La lampe se trouve à l’Annexe, « elle a été créée et pensée pour ce lieu, notamment les codes couleurs et la taille. Les motifs de l’abat-jour s’inspirent de la vue que l’on a depuis la Madrague ». Mais cette collaboration a par ailleurs débouché sur des commandes privées.

« Toucher du doigt les techniques et contraintes de l’autre »

Des collaborations pour enrichir la création artisanaleÀ l’occasion de cette première édition, Aurélie Benoit avait également mené un projet de rideau avec la brodeuse Johanna Piettre Hermès (La French Pique). Une pièce unique, sur mesure, qui habille une étagère à l’étage de L’Annexe. « Dans l’artisanat, à moins de partager un atelier, on travaille souvent dans son coin, on réfléchit pour soi. Or ça fait du bien de pouvoir échanger, et pas seulement sur des aspects du processus créatif. C’est enrichissant de toucher du doigt les techniques et contraintes de l’autre ».

Pas de Partisan.e.s pour Aurélie Benoit cette année, « trop de travail ». Mais comme nombre de ses pairs, elle escompte bien revenir pour la saison #3. ♦

  • Les créateurs/trices, leurs parcours, leurs associations dans le cadre des Partisan.e.s et leurs objets sont présenté.e.s tout au long de l’année sur la page Instagram de l’Annexe : @lannexe_ bylebunkerdescalanques