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Par Nathania Cahen, le 16 septembre 2024

Journaliste

Les Invincibles tiennent en respect la maladie de Charcot

Les Invincibles : Ludovic Besombes, John Scala et Olivier Goy ©Les Invincibles

Ils sont admirables ces Invincibles : trois hommes atteints par la terrifiante maladie de Charcot, mais déterminés à croquer dans la vie. Sans penser à demain et sans regret pour hier. Un trio généreux qui récolte un maximum de fonds pour la recherche, assez peu avancée pour cette pathologie, et les générations futures. Un état d’esprit qui force le respect. J’ai rencontré le Marseillais du trio, John Scala, regard doux et maints projets en bandoulière.

J’ai découvert Les Invincibles sur LinkedIn, un trio soudé par la maladie de Charcot. D’abord Olivier Goy, très actif sur ce réseau social et très engagé. Un livre, un documentaire, des conférences, des témoignages. Puis j’ai compris que l’un des trois vivait à moins de dix kilomètres de chez moi, en périphérie de Marseille. C’est toujours intimidant de prendre contact avec une personne malade, rode l’impression d’être intrusive. Mais, très réactif, John Scala répond rapidement à mon message et nous fixons un rendez-vous.

Fauteuil roulant et tablette oculaire

C’est Solène son épouse qui vient m’ouvrir. Car de l’état de John je ne sais rien, sinon que sa maladie remonte à deux ans. Il avait 44 ans quand le diagnostic a été posé en septembre 2022 à l’hôpital de la Timone, six mois après l’apparition de différents symptômes. À ce sujet, John a écrit une nouvelle originale qui a été primée, que vous pouvez lire ici.

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Solène et John Scala ©Marcelle

L’Invincible de Marseille est en fauteuil roulant. On s’installe autour d’une table qu’occupe une tablette oculaire grâce à laquelle John communique désormais. C’est l’entreprise où il travaillait auparavant qui l’a lui a offerte. Il dicte avec ses yeux, puis la machine restitue ses paroles, avec sa voix – en fait, sa copie digitale (lire bonus).

« Chaque jour, 5 personnes sont diagnostiquées et chaque jour, 5 personnes meurent de la SLA », m’apprend John. La France compte environ 8000 patients atteints de sclérose latérale amyotrophique, maladie neurodégénérative davantage connue sous le nom du neurologue Jean-Martin Charcot, qui l’a identifiée à la fin du 19e siècle (lire bonus).

Chez les Scala, pas de tabou. « Les personnes qui en sont atteintes ont une espérance de vie de trois à cinq ans » rappelle Solène. Le couple parle beaucoup avec son petit garçon en classe de CP : « Il m’a demandé si j’allais mourir avant les autres papas des garçons de sa classe, je lui ai répondu que oui », convient simplement John.

♦ (re)lire l’article : Les combats du rappeur Pone contre la SLA

Genèse d’un club

Forte de ses cours et de son expérience, Solène qui est infirmière, avait quasiment posé le diagnostic avant l’équipe médicale du centre de SLA de Marseille. Très vite, elle découvre l’engagement d’un malade très dynamique, notamment sur les réseaux sociaux : Olivier Goy. Il vit à Paris, elle lui envoie le message « merci pour ce que vous faites ». L’échange va se poursuivre, grandir et se transformer en une précieuse aventure commune.

Un autre homme, Ludovic Besombes, se rapproche de ce porte-parole charismatique quand sort le film documentaire d’Olivier Goy, Invincible été. Le trio est en place, réuni par « une furieuse envie de vivre, d’aimer, de créer, d’animer et d’embarquer un maximum de personnes dans cet élan de vie et de solidarité ». Les Invincibles sera le nom de leur élan vital, de l’association qu’ils cofondent. « Invincibles, c’est notre état d’esprit, abonde John. Notre résilience. La maladie ne peut pas nous priver d’être heureux ».

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Les Invincibles : « Une furieuse envie de vivre, d’aimer, de créer, d’animer et d’embarquer un maximum de personnes » ©Invincibles

Soirées caritatives et événements sportifs

Nos trois compères ne passent pas un jour sans prendre des nouvelles les uns des autres, échanger, projeter. « Chacun de nous peut faire demain une infection respiratoire et en mourir, mais on n’y pense pas », assure John. Leur association repose sur l’organisation de projets destinés à financer la recherche (pour que les générations futures aient enfin un remède). Mais aussi le partage de moments sportifs, conviviaux et divertissants (comme le Défi givré, lire bonus). Plus de 300 000 euros ont été collectés grâce aux différents événements qui ont déjà eu lieu.

Les Invincibles tiennent en respect la maladie de Charcot 3La prochaine soirée, ce sera le 8 octobre à l’Olympia de Paris, un concert Les Invincibles avec toute une brochette de talents – Louane, Patrick Fiori, Aliocha Schneider et bien d’autres. En partenariat avec l’Institut du Cerveau et l’Association pour la recherche sur la SLA (ARSLA).

♦ Pour soutenir la cause des Invincibles, vous pouvez faire un don, ou acheter un tee-shirt !

John et Josette

Avant, John Scala aimait courir, vite, souvent. Ses temps de référence ? 1h41 sur le semi-marathon Marseille-Cassis. 43 minutes pour un 10 kilomètres. Grâce à ses amis et à une incroyable équipe d’anciens collègues de travail (il était contrôleur de gestion chez SFR), il reste dans la course ! À bord d’une « Josette », un fauteuil roulant version sport mis à disposition par l’association Spirit of Josette (lire bonus), il est de plusieurs compétitions chaque année. « Ce sont mes anciens chefs qui encadrent ma Josette », sourit John. La Corrida du Vieux-Port et les 10km de Paris l’an dernier. Prochainement, la course de l’Algernon (le 13 octobre), à Marseille. Comme d’habitude, il sera sans pitié pour ses coéquipiers – « je leur rappelle toujours mes temps de référence », plaisante-t-il. Avant d’ajouter : « ce sont de bons moments, les courses ».

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John lors de la course “La Corrida du Vieux-Port”, à Marseille en 2023 @DR

Les bons moments, un mantra dans l’existence bouleversée des Invincibles. Et des échappées belles tant qu’elles sont possibles. Cet été, la famille Scala a voyagé en Scandinavie – Stockholm, Helsinki, Copenhague… Et elle compte bien aller à la montagne skier pendant les vacances de Noël. « Juste des moments qui me rendent heureux, avec ma famille et mes amis, dicte le regard du quadra. Pas des trucs de malade… ». ♦

*La Fondation de France Méditerranée parraine la rubrique SOCIETE et partage avec vous la lecture de cet article*

Bonus

[pour les abonnés] – Le Défi givré / Ice bucket challenge – Spirit of Josette – À propos de la SLA – Les voix de synthèse –

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♦ Le défi givré ou ice bucket challenge. À l’été 2014, trois jeunes Américains atteints de SLA ont lancé le Ice Bucket Challenge et encouragé des millions de personnes à travers le monde à se verser un seau d’eau glacée sur la tête. En faisant cela, ils voulaient faire comprendre l’effroi ressenti à l’annonce du diagnostic. Grâce à ce challenge, aux États-Unis, plus de 115 millions de dollars ont été collectés pour financer la recherche.

Cet été 2024, l’ARSLA et les Invincibles-All United ont relancé ce challenge, sous le nom de “Défi Givré, les 10 ans de l’Ice Bucket Challenge”. Il est toujours possible de participer ! Voici le mode d’emploi !

♦ Les Josettes. Le projet fou de Spirit of Josette est de créer des bolides, les Josettes,
adaptées à tout type de handicap, temporaire ou définitif, poussées par des coureurs ou marcheurs, ou fixées à l’arrière d’un vélo. Elles ont été conçues en lien étroit avec José Utiel, atteint par la maladie de Charcot et son association Josespoir. La première Josette a roulé lors du semi-marathon de Beaune en novembre 2021.

♦ Les voix de synthèse. L’association Les Invincibles-All United a signé un partenariat avec Acapela Group et SOLSTEO pour permettre aux personnes atteintes de Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) de continuer à parler avec une copie digitale de leur voix. Il finance depuis , avec le soutien de SOLSTEO, l’acquisition d’une licence de ‘my-own-voice’ pour les personnes atteintes de SLA et vivant en France. 

⇒ Relire aussi l’article : La collecte des bouchons plastiques pour financer des fauteuils roulants

♦ À propos de la SLA. Voici des précisions tirées d’un article de l’INSERM. La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. Elle affecte également la phonation (la production de sons) et la déglutition.

Il s’agit d’une maladie dont l’issue est fatale après 3 à 5 ans d’évolution en moyenne. Le plus souvent, c’est l’atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients.

La SLA est due à la mort progressive des motoneurones, les cellules nerveuses qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires. Les deux types de motoneurones effecteurs de la motricité sont touchés : ceux dits centraux, localisés dans le cerveau, et ceux dits périphériques, situés dans le tronc cérébral et la moelle épinière. Ces derniers assurent le relais entre les motoneurones centraux et les muscles. Des travaux récents ont également montré que la spasticité, des raideurs musculaires douloureuses observées chez les patients atteints de SLA, est associée à la dégénérescence des neurones à sérotonine localisés dans le tronc cérébral.

La SLA apparaît généralement entre 50 et 70 ans, et souvent plus précocement lorsqu’elle est d’origine familiale. Elle touche indifféremment hommes et femmes.

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