Société
Au nord de Marseille, un bureau municipal ambulant
Depuis près d’un an, la Ville de Marseille a lancé la « Mairie Mobile », un bus itinérant à bord duquel il est possible de réaliser certaines démarches administratives. Les quartiers où il s’installe chaque jour de la semaine n’ont pas été choisis au hasard. Tous font partie du 13e arrondissement, au nord, où un déficit en services publics a été identifié.
Le renouvellement des papiers d’identité figure parmi les démarches administratives que les Français aiment le moins (lire bonus). Et même moins que moins lorsque des obstacles se dressent devant eux, comme l’éloignement géographique d’une permanence municipale. Cette situation concerne nombre des quelque 92 000 habitants du 13e arrondissement de Marseille, pourtant le plus peuplé de la ville. Il n’y est possible d’effectuer ce type de démarches que dans un seul bureau municipal de proximité, à Saint-Jérôme. C’est « une zone blanche en services publics », reconnaît Sophie Roques, adjointe au maire en charge notamment de l’état civil. « C’est pourquoi on a créé la “Mairie mobile”, un dispositif itinérant qui vient en complément de l’offre de bureaux ». Concrètement, chaque semaine depuis mai 2024, un petit bus se gare successivement dans cinq quartiers du nord-est de la cité phocéenne (Malpassé, Frais-Vallon, les Olives/la Marie, la Rose, Saint-Just).
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Ouvert à tous
À bord, trois agents municipaux reçoivent une vingtaine de personnes quotidiennement. « Chacun vient sans rendez-vous », précise Linda Traikia, la coordinatrice du bus. C’est ainsi que s’est présentée Achata ce lundi d’avril, alors que le véhicule stationne comme chaque premier jour de la semaine devant le centre social de Malpassé. Elle a eu moins de 300 mètres à parcourir depuis son domicile et a pu déposer son dossier de renouvellement de passeport. « J’ai vu le camion un jour et j’ai demandé ce que c’était, c’est comme ça que j’ai connu », explique-t-elle. Comme d’autres avant et après elle, permettant au dispositif de se faire connaître par le bouche-à-oreille. « C’est l’assistante sociale qui en a parlé à ma mère », confie de son côté Maëva, ici pour un dossier de carte d’identité.
À la population locale se sont au fur et à mesure mêlés les habitants d’autres quartiers de la ville. Dont ceux pour qui le bus se trouve sur le chemin du travail. « On accueille tout le monde », confirme la responsable. « À la base, le dispositif a été imaginé pour répondre aux besoins des personnes sans moyen de locomotion. Mais, aujourd’hui, il touche bien plus de monde », appuie-t-elle.
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Simplicité et proximité
Si les créations ou renouvellements de titres d’identité sont les démarches les plus demandées en ce début de printemps – par anticipation des départs en vacances de l’été – ce ne sont pas les seules. Toutes celles dépendant de la Ville y sont réalisables : duplicata et mise à jour du livret de famille, préinscription scolaire, à la cantine, aux activités périscolaires, inscription et changement d’adresse pour les listes électorales, etc. (bonus) Les dossiers sont remplis dans le bus, puis les demandes transmises par serveur, comme dans n’importe quel bureau municipal de proximité. Et, si création de document il y a, il est à récupérer lors d’une prochaine venue du véhicule. « On appelle les personnes quand c’est prêt. Mais, si elles préfèrent, elles peuvent aller le chercher sur un autre site », indique Linda Traikia.
En un peu moins d’un an d’existence, les agents de la Mairie mobile ont traité 500 dossiers. Ils ont aussi un rôle de conseil et d’écoute. « Ils assurent un travail d’orientation vers d’autres structures lorsque les usagers font des demandes qui ne concernent pas la Ville », souligne Sophie Roques. Et réciproquement. Car dans chaque quartier où il stationne, le bus est en lien avec une structure pérenne, comme le centre social à Malpassé ou l’association Avec nous à la Rose. « Eux aussi connaissent nos missions et orientent des personnes vers nous. Ça entraîne une vraie synergie », constate Alexandre Gaillard, coordonnateur du…nouveau bus à venir.
Un deuxième bus bientôt en service
Car le dispositif va prendre de l’ampleur à l’été. Avec un deuxième autocar qui se déplacera dans les 3e, 14e et 15e arrondissements. Si la mairie délibère encore sur les points de stationnement, le principe sera cependant le même avec un planning défini et identique de semaine en semaine. « Cette régularité permet au bus de rentrer dans le quotidien des habitants, de créer du lien social et humain. C’est vraiment sa plus-value. Dans un contexte de dématérialisation à marche forcée, maintenir un guichet physique et avoir une présence d’agents et d’agentes est l’un des leviers du vivre ensemble », estime Sophie Roques.
En parallèle, la mairie veut étoffer la palette de démarches accessibles au sein du bus. « On réfléchit à des évolutions dans le temps en lien avec d’autres collectivités ou l’État, afin de tendre vers un guichet unique », glisse l’élue. Un partenariat avec le Centre communal d’action sociale (CCAS) devrait ainsi voir le jour afin de pouvoir traiter les demandes liées notamment au logement. D’autres pourraient suivre.
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Combler le vide
Si la demande est là, pourquoi ne pas y répondre en ouvrant de nouveaux bureaux municipaux de proximité dans les quartiers où passe actuellement le bus ? « Il s’agit de projets plus longs à mettre en place, avec des contraintes techniques et budgétaires », répond Sophie Roques. Et d’ajouter que la mairie a d’ailleurs pour ambition d’en créer deux dans le nord de la ville, l’un intégré à la Bastide Massenet (14e), en voie de devenir un centre de santé, et l’autre dans les nouvelles constructions du quartier des Fabriques, sur le périmètre d’Euroméditerranée (15e). Ces deux nouveaux bureaux étofferont les services publics du nord-ouest de Marseille…
Donc pas de grands changements à l’horizon pour les habitants du 13e arrondissement qui, pour mémoire, ont même carrément été privés de tout bureau municipal de proximité entre 2017 et 2022. « On a hérité de cette situation » aux élections de 2020, rappelle l’adjointe, lorsque la gauche locale, réunie sous la bannière du Printemps Marseillais, a raflé la ville à la droite, après vingt-cinq ans de règne de feu Jean-Claude Gaudin. Depuis, la municipalité a ouvert le bureau de Saint-Jérôme, puis un autre à Bougainville (3e). Un petit dernier va prochainement compléter la liste, sur le boulevard Sakakini (4e). Si la situation s’améliore, il reste néanmoins encore beaucoup à faire pour mailler au mieux le territoire marseillais, et particulièrement le nord. ♦
Bonus
# Où et quand passe la Mairie Mobile ? Les jours et horaires de passage ainsi que la liste complète des démarches sont à retrouver en cliquant ici.
# Des bus de services au public qui se multiplient – Paris aussi dispose de sa « Mairie Mobile », en partie à bord d’un bus. Un projet qui a vu le jour en 2016, d’abord sous forme d’expérimentation. Certaines structures France Services, ces espaces de proximité gérés par l’État dans lesquels chacun peut réaliser des démarches administratives, entre autres, proposent également leurs services en itinérance. C’est d’ailleurs le cas dans le 13e arrondissement de Marseille (plus d’infos ici). D’autres organismes offrent aussi ce type de prestation, comme le barreau des avocats de Paris (notre reportage à retrouver ici). Autant de bonnes initiatives pour Sophie Roques. « Ça permet d’aller vers, de mettre du service public là où il y en a le plus besoin », considère l’adjointe.
# Près d’un Français sur trois souffre d’une phobie administrative – C’est ce qu’il ressort du sondage « Les Français et la gestion administrative de leur santé », réalisé par OpinionWay pour MySofie en 2021. 29% des interrogés disent ainsi avoir « peur des démarches et obligations administratives ». Parmi elles, les impôts arrivent sur le haut du podium, devant le renouvellement des papiers d’identité et la santé (suivi des remboursements, envoi des documents, gestion de l’assurance, etc). 86% des sondés considèrent par ailleurs qu’il y a trop de démarches administratives en France.