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Place des Patronnes démocratise le commerce « phygital »
Pour contrer l’essor de la vente en ligne et mettre en avant le commerce engagé, écologique et responsable, Maxence Dislaire et Mélanie Aubergier ont ouvert le 4 octobre 2024, en plein centre de Lille, Place des Patronnes. Un lieu qui allie vente physique et digitale pour mettre en avant le travail des artisanes. Et un collectif qui réunit 160 de ces petites marques.
Du mobilier fabriqué avec des palettes, du bois clair un peu partout et une enseigne bleu roi qui accroche l’œil : la toute récente boutique de Place des Patronnes se veut à la fois cocooning et girly. Étendu sur plus de 200 m2, le magasin est aéré, ce qui est assez rare en plein centre-ville de Lille. Ses larges espaces permettent aux personnes à mobilité réduite ou avec poussettes de circuler librement dans les travées. Depuis son ouverture, le 4 octobre 2024, Place des Patronnes ne désemplit pas. Les cinq vendeuses confirment et se pressent pour aller renseigner les nouveaux clients. Ceux-ci sont ébahis par les vidéos diffusées un peu partout dans le magasin. Et seuls les enfants comprennent immédiatement l’intérêt des gros boutons en dessous. <!–more–>
Un espace différent pour chaque univers

Des vidéos défilent, des hommes et femmes s’expriment avec conviction racontant leurs parcours, leur processus créatif… D’autres images présentent l’intégralité des produits en stock de toutes les marques. Les gros boutons permettent de choisir quelle marque découvrir. Tristan, 10 ans, appuie sur l’un des boutons « pour comprendre comment l’artisan a créé les carnets ». Il s’agit de carnets reliés en cuir et fermés par une lanière. L’enfant est sous le charme, sa maman un peu moins, car le prix de 90 euros la rebute. Chez Place des Patronnes, certains articles faits main et en édition limitée peuvent être coûteux, comme les vêtements, souvent des pièces de collection. D’autres, tels que des jouets ou de l’épicerie fine sont plus abordables, de même que les bijoux fantaisie (comptez entre 25 et 40 euros).
L’ensemble du magasin est structuré en îlots thématiques, chacun mettant en avant une cause : place des Épicuriens rassemble les produits d’épicerie respectueux de l’environnement.
Place des Créateurs est dédiée aux artisans locaux. Place des Femmes met en avant des marques fondées par des femmes ou soutenant des causes féminines et défend donc l’aspect social de la boutique. « Nous avons voulu offrir une expérience immersive propre à chaque univers, pour que les clients découvrent l’histoire et les valeurs de nos créateurs », indiquent les fondateurs de la boutique, Maxence Dislaire et Mélanie Aubergier.
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Une boutique qui défend l’entrepreneuriat au féminin
Place des Patronnes travaille exclusivement avec des artisans et petits commerçants qui n’auraient pas les moyens financiers d’ouvrir leur propre boutique. « La plupart des enseignes ont été fondées par des femmes, c’est d’ailleurs pour ça que nous avons souhaité appeler notre magasin ” Place des Patronnes “, pour mettre en avant le côté Girl Power », s’enthousiasme Mélanie.
Côté produits, on trouve un peu de tout : épicerie fine, articles de maroquinerie en cuir végétal, articles ménagers ou cosmétiques sans savon, bijoux créés à partir de pièces de Lego, jouets d’éveil sensoriel et pédagogique… « On a voulu que notre enseigne puisse répondre à tous les besoins d’une famille », précise la trentenaire.
Mélanie Aubergier et Maxence Dislaire ravis d’accueillir leurs premiers clients lors de l’ouverture le 4 octobre. ©Place des Patronnes
Avec son compagnon, Maxence Dislaire, ils ont décidé de travailler exclusivement avec des marques responsables dont 35% de Nordistes. 130 sont référencées en magasin et 160 intègrent le collectif de Place des Patronnes, créé par le couple. « Pour intégrer le collectif, les marques doivent proposer des produits 100% responsables et travailler sans intermédiaire. Nous faisons donc une sélection rigoureuse », explique Maxence. En rejoignant le collectif, les artisans bénéficient d’un espace d’exposition, d’un réseau d’entraide et peuvent participer à des événements. « Grâce au travail de notre commission communication, on a organisé le marché de Noël de la galerie marchande, par exemple », renchérit la Tourquennoise.
« Chaque marque raconte une histoire »
Place des Patronnes est la seule enseigne nordiste à avoir poussé aussi loin l’expérience « phygitale ». Elle mêle commerce physique et digital grâce à des vidéos, bornes et tablettes interactives. Ce concept permet aux créateurs de choisir les articles à exposer en boutique, tout en présentant le reste de leur gamme via des vidéos. « Chaque marque raconte une histoire ! Comme Grain de Sail, en Bretagne, qui va chercher son chocolat à l’autre bout du monde en voilier. »

Des anecdotes comme celle-ci, le couple en compte des dizaines. Mélanie se réjouit ainsi d’avoir intégré la Maison Jalan qui fabrique des vêtements et de la décoration. « Dans cette entreprise, les employées tissent à la main les chemins de table que nous vendons. On s’y soucie de leur bien-être. Si par exemple, elles sont en difficulté pour faire garder leurs enfants, elles peuvent les amener sur leur lieu de travail ».
« On a rencontré King Jouet, qui est devenu notre principal client »
Si le couple mise autant sur la phygitalisation pour raconter l’histoire de ses partenaires, c’est parce que Maxence est à l’origine de la démocratisation du concept en France. Il y a quinze ans, il a fondé Improveeze. « Tout a commencé suite à une expérience dans une boutique de musique. J’avais besoin d’un ampli, de cordes. Le vendeur a passé beaucoup de temps à rechercher ce qui me correspondrait, mais n’avait rien en stock. Il m’a ensuite orienté vers un concurrent sur Internet, c’est là que j’ai eu le déclic », raconte le Lillois.
Développeur dans une entreprise tech à Paris, Maxence a voulu, avec Improveeze, offrir aux enseignes physiques des solutions digitales pour concurrencer les plateformes de e-commerce. Succès immédiat. Un an plus tard, la société est lauréate du Réseau Entreprendre Nord et décroche King Jouet comme principal client.
En 2012, Mélanie rejoint l’aventure pour gérer la partie financière. L’entreprise se développe, attirant des clients comme Feu Vert, Maxitoys, Undiz, Truffaut… Entre 2015 et 2018, Improveeze diversifie ses activités : gestion des parcs matériels, conseil stratégique, formation au phygital. En 2020, elle s’internationalise.
Comment combiner digital et commerce responsable
« En parallèle, on a commencé à réfléchir au sens de notre métier, à comment concilier tech et valeurs éthiques », explique Mélanie. Ensemble, ils conçoivent une plateforme pour les artisans et petits commerçants. Puis, ils décident d’ouvrir leur propre boutique : Place des Patronnes en octobre dernier.
Côté financement, Mélanie précise : « Les marques paient une redevance incluant un espace dédié et une commission sur les ventes, généralement autour de 10 %. »
Elle poursuit : « On n’a aucune subvention. On a investi des dizaines de milliers d’euros, financés avec l’aide des banques. » Depuis son ouverture, Place des Patronnes connaît un succès continu, prouvant que technologie et respect de l’environnement peuvent coexister harmonieusement. ♦
L’équipe de Place des Patronnes en compagnie d’une partie des créateurs, lors de l’inauguration de la boutique.©PlacedesPatronnes