ÉconomieEnvironnement

Par Olivier Martocq, le 6 septembre 2024

Journaliste

Sportingoodz évite la destruction des invendus du sport

Sportingoodz reste à ce jour le seul acteur sur le marché du sport qui s’affiche comme antigaspi. Illustration ©Unsplash
Lancée il y a deux ans, la plateforme Sportingoodz veut éviter la destruction des articles de sport neufs des clubs ou des fédérations sportives qui changent de sponsors et donc se débarrassent de leurs anciens équipements. Le modèle économique s’étend désormais aux invendus de sports de toutes les marques. Planète/marques/consommateurs : un marché gagnant/gagnant/gagnant !

Lorsqu’il lance Sportingoodz, Oscar Mondésir s’inscrit dans l’air du temps. Une étude de l’ADEME, réalisée en novembre 2021 – il n’y en a pas eu depuis – sur les produits non alimentaires qui n’ont pas trouvé preneurs stupéfie alors les Français. Les invendus représentent chaque année 4 milliards d’euros. La raison principale invoquée par les marques et les revendeurs est l’obsolescence marketing (changements de gamme, fins de série).

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Oscar Mondesir, fondateur et dirigeant de Sportingoodz ©DR

Autre facteur déterminant pour le jeune chef d’entreprise qui se lance, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) vient d’entrer en vigueur. Elle vise à interdire la destruction des invendus non alimentaires que sont notamment les vêtements et chaussures (lire en Bonus l’analyse des effets de cette loi par des ONG). Dans ce contexte, Sportingoodz se positionne sur un marché de niche : celui des articles de sport et de leurs 100 000 pièces invendues chaque année en France.

Du club de quartier aux équipes stars !

« Amateur de sport, je connaissais bien le milieu des clubs de quartier amateurs, ceux qui font jouer les minots dans les championnats de ligue départementale ou régionale notamment dans les sports collectifs comme le handball, le rugby et le foot. Je voulais créer un système vertueux autour de cette problématique ». Oscar Mondésir décide donc d’attaquer ce marché très concurrentiel, largement présent sur internet, en allant démarcher le plus petit des maillons. À savoir les clubs de quartier amateurs, qui se retrouvent chaque année avec des cartons remplis de tenues inutilisées pour cause d’inadéquation de taille, ou du logo du club à changer avec l’arrivée d’un nouveau partenaire.

La plateforme Sportingoodz devient ainsi un service de déstockage vertueux, qui permet aux clubs, ligues et fédérations d’écouler des produits neufs mais obsolètes en faisant rentrer de l’argent. En face, parents ou amateurs sont ravis de s’offrir des équipements à prix bradés. Jusqu’à 80% ! Pour s’entraîner, s’habiller sportswear ou s’amuser, la présence de logos ne les gêne pas.

En pro du marketing, Oscar Mondésir sait intéresser les médias. Ça déclenche des politiques jusqu’à des ministres qui viennent saluer le cercle vertueux mis en place. Des clubs de foot comme Monaco et Nantes font appel à ses services quand ils changent de partenaires. « L’OM alors que je suis supporter, je n’y suis pas encore arrivé. L’arrivée de la CMA et de Jul était pourtant une opportunité puisque tous les équipements de la saison 2022 étaient morts ».

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Intéresser les grandes marques

La plateforme a évolué. Elle permet désormais en quelques clics d’accéder à tous les produits qui encombrent les stocks des magasins et des distributeurs. Si la mission reste la même, donner une seconde chance à des produits neufs invendus, elle s’est élargie à des marques non floquées. De plus, Sportingoodz organise des ventes flash ou privées, ce qui est courant dans ce type d’activité, mais aussi des ventes en continu spécialisées dans les fins de série. Des produits pour lesquels les grilles de taille sont toutefois cassées ; il ne reste par exemple en chaussures de sport que des pointures entre 45 et 51, du S ou du XXL pour les vêtements.

Sportingoodz s’adresse désormais à une large communauté intéressée par les articles de sport en général et non pas des marques particulières. De fait, elle joue le rôle d’une place de marché multimarques. « Le principe d’une startup, c’est la souplesse, s’adapter, évoluer constamment. Désormais, on offre un vrai canal Marketplace où chaque marque peut faire des promos et proposer des remises allant de 10 à 70%. On n’essaye pas non plus de casser les prix parce qu’il y a toujours une qualité et ça, on doit le vendre ».

Pour que le système fonctionne, il faut qu’il y ait un flux suffisant d’articles et d’acheteurs. Via le marketing digital et une communication active dans laquelle le jeune patron s’implique, Sportingoodz compte 50 000 inscrits qui reçoivent des alertes à chaque vente dans les domaines qui les intéressent. « Notre ratio est de 5% à 10% d’acheteurs. On vise 15 000 pièces vendues en 2024 pour 150 000 euros de chiffre d’affaires. On s’installe dans un paysage très très concurrentiel et ça finance déjà deux emplois ».

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Une goutte d’eau dans l’océan des gabegies, mais…

À la lecture de ces chiffres somme toute modestes, le lecteur que vous êtes se demande pourquoi déjà deux articles dans Marcelle (vous pouvez retrouver ici le premier !). La première raison est que je fais partie de ces 50 000 utilisateurs. Donc j’ai vu évoluer ce modèle qui se présente comme vertueux. Son ambition de société à mission demeure. Les produits proposés à la vente sont considérés comme entrés dans un cycle de fin de vie, ce qui signifie compte tenu de la loi zéro déchet (qui interdit de les détruire en France ou en Europe) les envoyer sur d’autres marchés, Afrique, Amérique latine ou Asie… Avec pour corollaire du transport et donc du CO2. Le recyclage est l’avenir, mais pour l’instant la complexité des process et les coûts sont de vrais freins ( cf l’article de Marcelle )

Sportingoodz reste à ce jour le seul acteur sur le marché du sport qui s’affiche comme antigaspi. La plateforme a développé un algorithme d’émissions de carbone évitées, financé par BPI France, qui permet de connaître les émissions de CO2 générées par chacun des produits proposés à la vente en ligne. « La loi oblige désormais le e-commerce à l’indiquer mais quand on a débuté ce programme dès l’origine on était précurseur. » L’algorithme de sensibilisation de Sportingoodz repose sur des données de l’ADEME et une collaboration avec le Projet Celsius, un « studio pédagogique » spécialisé dans les enjeux du changement climatique.

♦ Relire l’article : Entre rigueur et humour, la méthode Celsius sensibilise au climat

Du greenwashing ?

« Cette initiative peut faire penser à du greenwashing. Un message subliminal vers nos clients, sous-entendant qu’en achetant nos produits ils évitent le gaspillage et font du bien à la planète. La réalité c’est que l’algorithme mis en place nous oblige à être vertueux dans nos process, pour réduire l’impact à notre échelle ». Petit-à-petit, la plateforme rajoute de nouvelles briques à son modèle. Elle entend gérer le reconditionnement des produits pour éliminer en amont les plastiques et les envoyer au recyclage.

Par ailleurs, des partenariats pour la livraison du fameux « dernier kilomètre » en mode éco-friendly sont noués. Une méthode testée à Marseille avec déjà une centaine de clients livrés en main propre, à vélo, trottinette ou via des transports en commun. « Nous essayons de cocher un maximum de cases des guidelines de l’éco-responsabilité. Une analyse cynique y voit du marketing qui a pour objectif de booster notre modèle auprès du public. Moi je crois à leurs vertus et aux changements de paradigmes qu’ils vont générer à terme », revendique Oscar Mondésir qui, à 26 ans, veut se projeter dans le monde d’après. ♦

Sportingoodz évite la destruction des équipements de sport invendus

Bonus
  • Sur l’efficacité de la loi AGEC. Quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre France, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France publient un rapport d’évaluation. Dans ce rapport édifiant paru en septembre 2022, la Cour des Comptes soulignait déjà que la prévention demeure « le parent pauvre de la gestion des déchets ».

Car la loi AGEC a inscrit dans le Code de l’environnement un objectif de réduction de 15% des déchets ménagers en 2030 par rapport à 2010, soit 502 kg/habitant à atteindre en 2030. Or ces déchets représentaient 611 kg/habitant en 20214. Autre exemple significatif, le nombre de bouteilles en plastique mises sur le marché a progressé de 4% entre 2021 et 20225, bien que la France se soit fixée comme objectif de diviser leur nombre par deux d’ici 20306. Autrement dit, la quantité de déchets produits, tous secteurs confondus, continue d’augmenter en France.