Trouver sa fibre professionnelle avec la Fondation Boulanger

Dans le groupe d’électroménager Boulanger, on recrute sans CV pour privilégier la relation humaine et la transmission. La fondation de cette entreprise propose même des ateliers participatifs baptisés « Trouve ta fibre » et basés sur du mécénat de compétence. En 2024, ils ont accueilli à travers l’hexagone quelque 2000 jeunes en quête d’un avenir. Dans les métiers de la réparation, du recyclage, ou de la vente. Reportage à Marseille, lors d’une session réparation d’électroménager – une filière en tension, justement.

Trois machines à laver alignées, flancs ouverts. Et, regroupés autour, onze jeunes qui s’escriment à trouver le bloc moteur. Puis l’instant d’après la carte mère. Sweat à capuche et baskets aux pieds, âgés de 18 à 25 ans, ils sont sans emploi. Zakaria, 19 ans, en BTS cybersécurité, semble être à l’aise : « Je connais déjà l’électroménager, j’ai déjà fait un stage et j’aime bien ça ». Mohamed, 18 ans, a quitté le Maroc il y a un an. « Avant je travaillais plutôt en cuisine mais l’électronique me plaît plus. J’aime bien ouvrir les ordinateurs. Ça me plairait de continuer dans ce domaine ». Marlon aussi apprécie de bidouiller, réparer, comprendre comment ça fonctionne.

Un avenir professionnel pour tous

Nous sommes à Marseille dans la « Maison Boulanger ». Cet espace installé sur le site de L’Épopée (un tiers lieu tourné vers l’innovation éducative- lire bonus) a été créé par la Fondation Boulanger, émanation du groupe d’électroménager du même nom, et dont le siège social se trouve à Lesquin, dans le Nord. C’est le seul du genre, car dans les autres villes, les ateliers ont lieu dans les magasins ou les centres de réparation.

« Trouve ta fibre » est le titre de ce programme de deux heures. C’est Stéphan Ré qui l’a encadré et mis en place en 2022. « Parce que les enquêtes révèlent que 60% des lycéens n’ont aucune idée de leur futur parcours. Parce qu’un étudiant sur trois est en quête de sens et va changer d’orientation », explique l’ancien directeur de magasins à l’enseigne, devenu chef de projet de la Fondation avant d’en prendre la direction. Il dit encore qu’il est important de permettre l’égalité des chances pour entrer dans la vie professionnelle. Et souligne qu’« on ne connaît pas 80% des métiers de dans cinq ans, et encore moins les diplômes qui iront avec ! »

Une partie théorique

La session de ce jour de décembre a démarré par un petit cours théorique. Les jeunes se sont juchés sur des tabourets hauts. Face à eux, devant un écran, intervient le formateur du jour, Hyacinthe Allard – « médaille d’or de l’animation et de l’engagement », me glisse Stéphan Ré. Technicien, Hyacinthe Allard travaille depuis dix-sept ans dans le magasin Boulanger de Vitrolles. « Pourquoi je fais ça ? C’est une question d’engagement personnel et d’inquiétude pour les jeunes. L’envie d’être utile. Et le choix de démocratiser la connaissance », argumente-t-il.

Pour l’heure, il présente son propre parcours en trois photos. Puis attaque ses explications à grand renforts des slides, avec l’histoire de la machine à laver, depuis l’ancêtre mécanique aux modèles dernière génération. Sans oublier la plus célèbre des pubs sur le sujet, Vedette et la Mère Denis. Yacinthe ajoute que chez lui, à la Martinique, sa grand-mère fabriquait le savon puis en faisait des copeaux à l’aide d’une mandoline. Parenthèse refermée pour aborder des schémas beaucoup plus techniques – actions mécanique, chimique ou thermique, rôle du thermostat, origine des pannes, codes d’erreur…

Les ateliers sont animés par quelque 300 collaborateurs engagés de Boulanger, sous forme de mécénat de compétences. « C’est pour eux une autre relation avec l’entreprise et la marque, note Stéphan Ré. Ils apprécient souvent de découvrir le monde des jeunes et les échanges sont souvent empreints d’une grande sincérité. Beaucoup deviennent les tuteurs qu’ils auraient aimé avoir ! ».

Apprivoiser le lave-linge

Avant la pratique, fusent quelques questions, parfois surprenantes de la part de jeunes hommes. Sur le choix des marques et l’agitation des tambours au moment de l’essorage. Ou encore « faut-il plutôt faire une grosse machine ou deux petites ? »

Tous ont religieusement écouté et suivi les explications. Goguenards, ils entourent désormais les trois machines. Observent les outils proposés, enfilent les gants de protection. Hyacinthe les invite à apprivoiser les lave-linge : détecter les ouvertures, comprendre l’organisation des différentes pièces. Tous mettent du cœur à l’ouvrage, même Jean-Baptiste, 21 ans, qui rêve de travailler dans la lutherie, mais se dit curieux. Ou Hassani qui se voit plutôt « chauffeur-routier ou dans le sport ». Jeandy, 25 ans, lui est à fond. Il a quitté il y a deux ans la République Démocratique du Congo : « Là-bas j’avais le niveau bac, confie-t-il. Ici je travaille dans le bâtiment, mais ça m’intéresse moins que l’électroménager. Je voudrais avoir un stage avec de la pratique ».

Les jeunes qui bénéficient des stages sont pour la plupart adressés par les missions locales. Mais certains ont été recommandés par l’Ecole de la 2^e chance, les centres EPIDE, ou encore les Apprentis d’Auteuil. En 2024, 1100 jeunes en ont bénéficié et sont passés par un des 220 magasins de l’hexagone. En 2023, cinq ont signé un CDI. Tout est gratuit pour eux, Boulanger prend à sa charge la totalité des frais, sans subventions extérieures. « La seule obligation, c’est la motivation, souligne Stéphan Ré. Ou la curiosité ». En parallèle, des partenariats ponctuels peuvent se nouer, comme à Lille, fin janvier, avec Microsoft.

Cinq des neuf participants ont bien accroché

Bilan de la session : « Le groupe a bien fonctionné, a participé, s’est montré réactif, apprécie Haycinthe. Cinq d’entre eux ont bien accroché et vont revenir pour un atelier ordinateurs-smartphones. Trois ont déjà demandé un stage, dont Marlon et Jeandy. On va voir quoi leur proposer dans les deux semaines. Ce sera en fonction de leur mobilité, car notre centre technique se trouve à Lançon-de-Provence ».

Les stages pourront être effectués chez Boulanger ou bien dans structures partenaires, comme les centres de recyclage Reconomia. Bon à savoir également, les collégiens aussi sont bienvenus pour leur stage de 3^ème ! ♦

* La Criée – Théâtre national de Marseille parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article *

Bonus

[pour les abonnés] – Le groupe Boulanger en dates et chiffres – Les engagements de Boulanger, de la seconde main aux économies d’énergie – Le programme 1etudiant1ordi – S’inscrire à la mission locale – Orientation scolaire : le baromètre 2023 de L’Etudiant – L’Épopée –

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# Le groupe Boulanger. Le premier magasin a été ouvert à Lille en 1954 par deux frères : Bernard et Gustave Boulanger. L’un s’occupait de la vente, l’autre de la construction et de la réparation de postes de radio. Suite au décès précoce de Gustave, Bernard remplace la construction artisanale par la commercialisation d’appareils de marque. L’enseigne se fait connaître dans le Nord de la France.

En 1978, création d’une filiale dans la région lyonnaise, suivie d’une implantation en banlieue parisienne en 1982.

En 1986, Boulanger rejoint l’Association Familiale Mulliez (AFM) avec ses 11 magasins.
Pour avoir une puissance financière plus forte auprès des fournisseurs, Boulanger vend ses parts à l’Association Familiale Mulliez, désireuse d’investir le marché de l’électroménager et de l’électronique grand public.

Entre 2018 et 2022, le chiffre d’affaires de Boulanger a augmenté de plus de 50% en passant de 2,9 milliards à 4,6 milliards d’euros selon LSA. L’enseigne devance désomrais Darty.

Aujourd’hui le groupe compte 9000 collaborateurs et 229 magasins en France.

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# Les engagements de Boulanger. La société emploie 500 réparateurs et a lancé en 2022 un abonnement à la réparation. Boulanger investit dans la seconde main et affirme collecter un quart de ses produits vendus.  L’entreprise a investi dans des programmes de formation pour son personnel. Cette initiative a non seulement amélioré la qualité du service client, mais a également contribué à la fidélisation des employés.

La société agit aussi pour réduire ses coûts énergétiques. Par exemple en installant une ombrière photovoltaïque devant son magasin à Angoulins, capable de baisser 20% de la facture d’électricité de l’enseigne.

#1etudiant1ordi. C’est l’autre programme déployé par la Fondation Boulanger pour l’égalité des chances. Car plus de 20 000 étudiants ne disposent pas de leur propre ordinateur ! Donc si vous avez un ou des ordinateurs inutilisés, pensez à les déposer dans n’importe quel magasin Boulanger. Il sera nettoyé, débarrassé de vos données, remis en état. Il pourra alors être attribué à un étudiant dans le besoin. Les ordinateurs trop vieux ou abîmés seront reconditionnés.

# Pour s’inscrire à la Mission Locale. Il en existe 436 en France pour plus de 6800 sites ! Les Missions Locales assurent des missions de service public pour permettre à tous les jeunes de 16 à 25 ans de surmonter les difficultés qui entravent leur insertion professionnelle et sociale. Pour pouvoir s’inscrire à une Mission Locale, il suffit de se rendre dans l’un des points d’accueil disponibles en France. Consultez l’annuaire !

# L’Epopée. Le premier tiers-lieu de France consacré à l’innovation éducative. L’Épopée rassemble en un même lieu un écosystème de 50 acteurs variés, qui portent en eux le goût de transmettre et d’accompagne. Relire ici notre article.