Société

Par Agathe Perrier, le 6 mai 2025

Journaliste

La conciliation pour éviter la case procès

Guy Couteux tient une permanence au Centre communal d'action sociale (CCAS) de Plan-de-Cuques tous les 2e et 4e jeudis du mois © Agathe Perrier

Problèmes de voisinage, différends entre propriétaires et locataires, litiges en matière prud’homale… Il est possible de résoudre certains conflits à l’amiable, sans passer par le tribunal, sans perdre de temps ni d’argent. Comment ? En faisant appel, gratuitement, à l’un des 2 700 conciliateurs de justice présents dans toute la France, comme Guy Couteux, rencontré à l’occasion d’une permanence près de Marseille. 

On le sait, les contentieux engorgent les tribunaux français. Si bien que certaines procédures mettent des années à aboutir et se révèlent coûteuses. Des inconvénients qui peuvent parfois être évités par la conciliation, l’un des modes de résolution de conflits à l’amiable (avec la médiation et la procédure participative). Pour en profiter – uniquement en cas de différend en matière civile (lire bonus) – il suffit de prendre rendez-vous avec le conciliateur de justice le plus proche de chez soi. Son rôle est « d’écouter les positions des parties pour proposer ensuite une solution à leur litige », peut-on lire sur le site de l’administration française. Avec deux grands avantages : c’est gratuit et l’accord qu’il soumet peut être homologué par la justice.

<!–more–>

Trait d’union

conciliation-amiable-conflit-voisinage
Passer par un mode de résolution amiable est obligatoire pour les contentieux portant sur le paiement d’une somme ne dépassant pas 5 000 euros © Photo d’illustration, Pixabay

On compte aujourd’hui plus de 2 700 conciliateurs de justice dans toute la France. Guy Couteux est de ceux-là. Tous les 2e et 4e jeudis du mois, il tient une permanence au Centre communal d’action sociale (CCAS) de Plan-de-Cuques, près de Marseille. Il dédie ses matinées à recevoir les nouvelles demandes. Celles-ci peuvent émaner d’une ou des deux parties ayant un différend, voire directement d’un juge. Sachant que, depuis le 1er octobre 2023, passer par la conciliation ou un autre mode de résolution amiable est obligatoire pour les contentieux portant sur le paiement d’une somme ne dépassant pas 5 000 euros.

« La première chose que je demande à la personne qui vient me voir, c’est si elle a parlé à l’autre partie. Si elle est réticente à tout dialogue, je fais envoyer par le demandeur une lettre recommandée avec accusé de réception pour exposer clairement le litige. Parfois, rien que cette petite procédure peut débloquer la situation », indique Guy Couteux. Cela reste toutefois rare. « Sans évolution positive du conflit sous une dizaine de jours, après réception de ce courrier, j’invite les deux parties à une rencontre de conciliation », ajoute-t-il. Dans le cas où le demandeur est en froid avec l’autre partie, c’est également lui qui la prévient qu’une procédure de conciliation va démarrer.

♦ Lire aussi l’article « Ces avocats qui veulent pacifier la société »

Neutralité et impartialité

resolution-conflit-amiable-conciliation
Les conflits de voisinage représentent environ un tiers des dossiers traités à Plan-de-Cuques © Photo d’illustration, Pixabay

Ces rendez-vous de conciliation rythment les après-midi des permanences de Guy Couteux. « Il faut rester neutre et trouver un accord équitable pour les deux parties, tout en respectant la loi », souligne-t-il. Les tensions sont souvent palpables car chacun arrive à la rencontre chargé d’un bagage émotionnel. C’est particulièrement le cas avec les conflits de voisinage, qui représentent environ un tiers des dossiers traités à Plan-de-Cuques. Exemple ce jour d’avril. Alors qu’ils sont venus pour un problème de portail, deux voisins exhument de vieilles rancœurs et dévient du sujet initial. Le conciliateur coupe court et recadre la discussion. « Il faut s’imposer, c’est à nous de mener le débat. Il m’arrive parfois d’élever la voix, mais c’est rare », glisse-t-il.

La présence d’une tierce personne a l’avantage de recréer de l’échange entre deux camps qui, généralement, ne se comprennent plus. Ce qui n’est cependant pas le gage d’une issue positive. Ce même jour, deux couples de voisins se disputant un bout de terrain ressortent du rendez-vous en ayant certes discuté, et plutôt calmement, mais chacun restant sur ses positions.

Nombre de situations se soldent néanmoins par un accord : 55% des dossiers traités par Guy Couteux en 2024, un sur deux au niveau national (bonus). Quand c’est le cas, les deux parties reçoivent un constat d’accord – un exemplaire est également déposé au greffe du tribunal – qui vaut engagement. La conciliation échoue en revanche si une partie ne se présente pas – on parle de carence – ou si les deux n’ont pu s’entendre sur un règlement amiable. Chacun peut ensuite choisir d’en rester là ou décider d’entamer une procédure judiciaire.

♦ Lire aussi l’article « Au nord de Marseille, un bureau municipal ambulant »

Une aide bénévole

conciliateur-justice-litige-contentieux-aide
Un conciliateur est un auxiliaire de justice assermenté exerçant à titre gracieux © Photo d’illustration, Pixabay

Après plus de quatre ans à écouter les différends des uns et des autres, Guy Couteux est toujours autant investi dans sa mission. « Elle m’apporte beaucoup et j’espère apporter moi aussi à ceux que je suis », confie le bénévole. Car oui, un conciliateur est un auxiliaire de justice assermenté exerçant à titre gracieux, contrairement à un médiateur (bonus).

Nombre d’entre eux sont donc retraités. C’est d’ailleurs le cas de Guy Couteux, après une carrière de cadre à la RTM (régie des transports métropolitains) et trois ans à exercer comme coach bénévole pour cadres en difficultés de recherche d’emploi. Une fonction ouverte à toute personne majeure, sous certaines conditions, qui cherche d’ailleurs à étoffer ses rangs (bonus).

De ses précédentes expériences, Guy Couteux a gardé un bon sens des relations humaines et surtout de l’organisation. Et il en faut compte tenu du nombre de coups de fil à passer et des informations à chercher pour bien préparer et structurer les dossiers. « J’essaye d’être le plus carré possible surtout que, derrière, les gens attendent une réponse rapide », ajoute-t-il. Le bénévole a orchestré 141 rencontres l’an passé, dans le cadre d’une soixantaine de dossiers. Une activité dans la moyenne nationale puisque, à eux tous, les conciliateurs de justice ont traité 190 000 affaires en 2023, d’après le ministère de la Justice. Soit autant de dossiers en moins dans les tribunaux – même si in fine certains se soldent par un procès. ♦

Bonus

# Besoin d’un conciliateur ? La liste des permanences est à retrouver en cliquant ici.

# En chiffres – On compte un peu plus de 2 700 conciliateurs de justice en France, selon le Conseil National de Conciliateurs de France, la fédération des associations de conciliateurs de justice. Le taux de réussite des conciliations est de 50% au niveau national, sur l’ensemble des dossiers traités. Un chiffre qui grimpe à 70% en retirant les dossiers dits de carence (l’une des parties ne s’est pas présentée et la conciliation n’a donc jamais pu avoir lieu, ou la partie demandeuse a abandonné la procédure).

# Devenir conciliateur – Des conditions sont à remplir. Notamment : être majeur, jouir de ses droits civiques et politiques, ne pas exercer d’activité judiciaire… Pour postuler, il faut envoyer une lettre de motivation au magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice du tribunal judiciaire l’on souhaite exercer cette fonction. Les nouveaux conciliateurs de justice doivent suivre une journée de formation initiale. Puis une journée de formation continue pendant leur première année d’exercice et au cours du mandat de trois ans qui suit. Plus d’infos en cliquant ici.

♦ Lire aussi l’article « Un bus d’avocats solidaires dans les rues de Paris »

# Conciliateur et médiateur de justice, quelles différences ? Les définitions données par les dictionnaires ne permettent pas toujours de distinguer médiation et conciliation dans la mesure où elles recherchent toutes deux le même résultat : parvenir à un règlement amiable des différends. Il existe pourtant des divergences. Le statut du conciliateur, régi par le décret du 10 mars 1978, le dote d’une mission de service public à titre bénévole. Il dépend du ministère de la Justice et reçoit seulement une indemnité forfaitaire chaque trimestre pour couvrir ses dépenses (secrétariat, téléphone, documentation…), dans une limite annuelle de 650 euros. Et traite uniquement les contentieux en matière civile (pas de dossiers pénal, affaires familiales ou litiges avec une administration). Le médiateur est, lui, rémunéré et s’occupe de litiges civils, commerciaux et sociaux.